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Critique de Tempsdelecture


Un parfum de cèdre est une fresque romanesque publiée pour la première fois en français, il y a déjà vingt-et-ans de cela – cela ne nous rajeunit pas – écrite par l'auteure canadienne et anglophone Ann-Marie Macdonald. Cette oeuvre dense est son premier roman, il s'est très bien vendu internationalement et vient d'être réédité en ce mois de mars 2021 par les éditions J'ai Lu. Il est doté d'une nouvelle couverture très raffinée, qui nous amène en Nouvelle-Écosse, à l'est du Canada, province imbriquée entre le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve. Plus précisément sur l'Ile du Cap Breton, qui fut colonisée par Écossais et Irlandais entre autres, ce qui explique l'utilisation courante du gaélique comme langue vernaculaire.

Un peu plus de sept-cents pages, une tuile, sur le destin de la famille Piper, que l'on pourrait facilement qualifier de tragique sans vraiment prendre trop de risques. C'est une fresque familiale, mais une famille particulière, qui a pour chef de famille et pour noyau James Piper, d'abord adolescent, jeune homme puis homme vieillissant. Si les descendants des immigrants européens sont clairement présents en Nouvelle-Écosse, il y a aussi d'autres familles qui viennent de contrées un peu plus lointaines, comme la famille libanaise de Materia, les Mahmoud, la jeune fille que James épousera Ce sentiment de malaise se maintiendra d'un bout à l'autre des sept centaines de pages du roman. Car Materia n'est qu'une première étape, une brève et malheureuse introduction à ce qui sera un foyer tenu de main de fer par un père tyran domestique, jouant le chaud et le froid, qui a enfermé ses filles dans un carcan asphyxiant. En particulier, Kathleen, l'aîné dont il est follement épris, la belle, la pure, la douée, si différente de sa mère.

On ne peut nier que longueurs pèsent sur le récit, Ann-Marie MacDonald a tendance à se perdre dans des circonvolutions secondaires, qui n'apportent pas grand-chose à l'histoire. Je pense aux relations entre Frances et Mercedes, les jeunes soeurs de Kathleen, figures qui ne parviennent pas à toujours tenir un rôle essentiel dans ce drame. L'auteure aurait pu se passer de certains passages qui font dérouter inutilement l'histoire, pourtant assez bien construite, en des fils narratifs secondaires non essentiels à l'intrigue principale. Si je me suis quelquefois un peu perdue entre Frances et Mercedes, Kathleen en revanche est un personnage parfaitement exploité jusqu'à l'ultime dénouement. James Piper, le pilier central du destin familial, est mis davantage en retrait en seconde partie de roman même si son influence pèse constamment à travers les choix de ses filles. En dernière partie, les deux soeurs Frances et Mercedes gagnent un peu en épaisseur, l'une pour donner à l'histoire familiale un ultime rebondissement, l'autre pour perpétuer malgré elle la négativité du paternel. Pour résumer, la narration si elle est globalement réussie, connaît quelques creux, des impasses narratives dont le roman d'une épaisseur conséquente aurait pu se passer.

J'ai beaucoup aimé lire ces différents destins de femmes, qui sont toutes dirigés par un petit homme égoïste et orgueilleux, pourtant héros de guerre, qui refuse leur émancipation, qui les maltraite, un homme qui ne vit étrangement qu'en compagnie de femmes, qui règne sur sa femme et ses filles, ironie des choses, comme un sultan sur son harem. le tout sur un fond de racisme ou la pâleur d'un teint va encore de pair avec la valeur d'un individu, à travers le microcosme des Piper, famille mixte, où le fils anglais a épousé une fille libanaise, les racines orientales finissent bien par ressortir à un moment ou un autre de l'arbre généalogique. Homme et blanc au sein d'une communauté profondément patriarcal et xénophobe, qui commence cependant à s'ouvrir lentement, à force de se comporter en tyran jaloux et possessif,

C'est avec beaucoup de curiosité que j'ai suivi les péripéties de la famille Piper, dont on devine les drames d'entrée de jeu. Si tout au long de ces sept-cents pages quelques passages à vides peuvent se faire sentir ici ou là, je me suis beaucoup attachée à cette région d'Amérique du Nord qui m'est totalement inconnue et qui pourtant confère beaucoup de caractère au récit. Me voilà maintenant avec une furieuse envie de visiter la Nouvelle-Écosse.
Lien : https://tempsdelectureblog.w..
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