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Critique de Charybde2


Le rêve virant au cauchemar, l'emprise de la violence dans le couple en général, et dans le couple lesbien en particulier, en un impressionnant tour de force littéraire à facettes techniques et à beautés humaines.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/08/30/note-de-lecture-dans-la-maison-revee-carmen-maria-machado/

Sept ans après la publication de sa toute première nouvelle, et deux ans après la publication de son premier recueil, « Son corps et autres célébrations », couronné par le prix Shirley Jackson et nommé à plusieurs autres prix littéraires prestigieux (dont le National Book Award), Carmen Maria Machado publiait en 2019 « Dans la Maison rêvée », traduit en français en août 2021 par Hélène Cohen chez Christian Bourgois. Bien que sobrement sous-titré « A memoir » dans sa version originale américaine, ces 350 pages représentent bien davantage qu'un « simple » récit autobiographique. Pour aborder avec une puissance inouïe le sujet doublement brûlant de la violence à l'intérieur du couple (avec tous les mécanismes tragiques et connus, mais si difficiles à auto-diagnostiquer en temps et en heure, d'acceptation de l'emprise et de culpabilité mal placée) d'une part, et de la violence à l'intérieur du couple lesbien d'autre part (dont elle documente avec minutie la monstrueuse difficulté supplémentaire que représente le simple fait de pouvoir penser cette violence, là où précisément la relation se construit individuellement, collectivement et socialement en rejet des scories les plus meurtrières du patriarcat), elle a construit un véritable thriller psychologique et intime, en utilisant toutes les ressources de son art de conteuse, de nouvelliste et de formatrice en création littéraire.

Elle nous offre ainsi une formidable progression de chapitres courts ou très courts « à la manière de », tous placés sous le signe d'une forme ou d'une inspiration littéraire particulière (ouverture, prologue, non-métaphore, picaresque, machine à mouvement perpétuel, exercice de point de vue, élément perturbateur, palais de la mémoire, voyage dans le temps, inconnue arrivant en ville, classique lesbien culte, célèbre mot de la fin, confession, rêve incarné, question de chance, road-trip à Savannah, roman sentimental, déjà-vu, roman d'apprentissage, classification des contes de fées, texte érotique, roman noir, utopie, fantasy, roman lesbien de seconde zone, pour n'en citer que quelques échantillons), fournissant chacun par leur titre un programme en soi, pour exorciser en beauté (et avec un art paradoxal du suspense) le calvaire vécu par elle, et pour le rendre exploitable par les lectrices qui seraient directement concernées, mais aussi par tous les autres, lectrices ou lecteurs, pour lesquels le déni des emprises de toute nature demeure si souvent d'actualité, même bien cachée. Et pour démontrer au passage, et de quelle manière, que l'art du récit sophistiqué constitue, maîtrisé comme ici, un medium ô combien plus puissant que n'importe quel essai jouant en trace directe et explicative. du grand art, intelligent et bouleversant, jouant à merveille de la détonation produite entre humour noir, violence, sensibilité et amour serein reconstruit ailleurs.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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