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Critique de Presence


Ce tome regroupe les épisodes 51 à 55 de la série de Daredevil débutée en 1998. Il vaut mieux avoir lu Tranche de vide avant.

Maya Lopez est sourde. Elle a revêtu pendant une courte période un costume et porté le nom d'Echo. Wilson Fisk l'avait envoyé se battre contre Daredevil et elle était tombé amoureuse de Matt Murdock. Avec ce tome, David Mack revient au personnage pour une histoire complète qu'il écrit et illustre.

Sous la forme d'une introspection, Maya Lopez cherche sa voie. Elle se souvient de son père, des histoires qu'il lui racontait grâce au langage des signes quand elle était encore enfant. Elle se rappelle du temps qu'il a fallu pour que son entourage se rende compte qu'elle était sourde, et non pas attardé. Elle se remémore sa découverte des oeuvres d'art picturales et du sens qu'elle leur a accordé. Elle repense à la manière dont sa surdité innée a façonné sa vision et sa compréhension du monde et de la question qu'elle se posait sur le son provoqué par les nuages ou par la queue d'un chien en train de remuer.

En fait Maya Lopez est à un moment de sa vie où elle ne sait plus que faire. Sa liaison avec Matt Murdock est arrivée à son terme. Les liens qui l'unissaient à Wilson Fisk se sont révélés faux et artificiels. Elle décide donc de se rendre dans la réserve indienne où son père l'emmenait parfois passer quelques jours. Elle y retrouve un vieil indien, un homme médecine avec qui son père entretenait des relations amicales. Elle le retrouve à peine plus âgé que dans son souvenir et elle lui demande comment accomplir une quête de la vision, un rite de passage indien.

David Mack est un créateur complet (scénario et illustration) qui évolue dans une classe où il n'y a que lui. Il a acquis une maîtrise sans pareille de tous les styles graphiques de l'esquisse la plus pure à la peinture abstraite. Il aborde des thèmes philosophiques et spirituels. Il marie les 2 aspects de son art (histoire et illustration) dans une fusion où la forme compte autant que le fond et transmet également autant d'information. Son oeuvre principale est la série Kabuki et parfois son génie produit des pages tellement denses en information, complexes en structure et intellectuelles que le lecteur peut se sentir perdu.

Pour cette histoire, il utilise toutes ces techniques au service d'un récit accessible, sans rien perdre de sa profondeur. Il a franchi un nouveau palier pour atteindre un mode de communication qui n'appartient qu'à lui, mais qui est accessible à tous. Par contre, Daredevil n'apparaît que le tant d'une poignée de pages et les autres superhéros n'ont qu'un rôle secondaire (sauf Logan) ; il s'agit avant tout de l'histoire d'un moment charnière de la vie de Maya Lopez, jeune femme sourde et surdouée, artiste géniale.

Je suis tombé en pamoison devant la beauté et la richesse de certaines pages. J'ai été transporté par cette quête de sens à donner à sa vie, de recherche de direction et de repères qui m'a éclairé d'un point de vue que j'ai trouvé valide et intelligent. Et j'ai été diverti par ce conte pour adultes qui ne repose ni sur la violence, ni sur la provocation, et encore moins sur une gratification sexuelle immédiate.

David Mack déroule un conte, presqu'une légende dans laquelle une femme capable de tout faire, une artiste exceptionnelle, un individu qui a surmonté son handicap (sa surdité) au point de mieux comprendre son prochain que les bien-entendants ne sait pas à quoi utiliser tous ces dons.

David Mack aborde des thèmes complexes sans jamais perdre son lecteur, ni paraître pédant ou présenter son point de vue comme une vérité universelle. Il traite de la manière dont le langage forme la réalité et la limite, de la transmission de sens des parents aux enfants, d'une approche du sens de l'histoire de l'art pictural, de la fonction des contes pour les enfants, de la forme des mythologies modernes, du développement intérieur de chacun, de la relation à autrui, de mes obligations d'être humain, des conséquences de mon agressivité, etc. David Mack ne révolutionne pas la philosophie, il ne propose une pensée unique miraculeuse, il donne à voir son cheminement intérieur, ses propres interrogations et l'orientation qu'il a donné à sa vie après avoir acquis une maîtrise quasi-parfaite des techniques picturales qui s'offraient à lui. Ces différentes thématiques s'imbriquent les unes dans les autres pour constituer un gestalt lumineux, intelligent et simple. Il n'y a finalement que lorsque qu'il satisfait à ses obligations contractuelles de lier son héroïne à l'univers Marvel que la narration retombe ; heureusement cela ne concerne que 13 pages. En fait aussi improbable que cela puisse paraître, seule l'apparition de Wolverine s'intègre harmonieusement au récit.

David Mack est un créateur complet et ses illustrations racontent aussi bien les actions de Maya Lopez et les lieux dans lesquels elle évolue, que ses états d'âme, ses sensations, sa façon de penser, sa vision du monde et les sentiments qu'elle éprouve. David Mack est à l'opposé du dessinateur cherchant à épater le lecteur en étalant un catalogue de tous les styles qu'il sait imiter. Au contraire, chaque style n'apparaît qu'en fonction de la narration. Chaque style sert à évoquer un état d'âme, conjurer une ambiance, refléter l'état d'esprit de Maya Lopez. Il est facile de se focaliser sur les hommages à Picasso à Vincent van Gogh ou à Gustav Klimt. Mais il ne s'agit pas pour Mack de dresser un catalogue de sa culture picturale, il s'agit de montrer comment Maya Lopez a cherché à comprendre des langages autres que parlés en étudiant les arts. Chaque planche est une composition sophistiquée étudiée pour refléter un amalgame du monde extérieur et du monde intérieur de l'héroïne. Chaque page est d'une beauté confondante, chaque image apporte une myriade d'informations que le langage écrit est incapable de transcrire.

C'est la raison pour laquelle (malheureusement, je m'en rends compte) ce piètre commentaire est incapable de faire honneur à cet incroyable voyage intérieur doté de visuels d'une richesse extraordinaire et d'une spiritualité intelligente, à mille lieux d'un new-age de pacotille. Je suis ressorti de cette lecture, plus intelligent et plus sensible à ce qui m'entoure, avec une proposition constructive et pertinente de quoi faire d'une partie de ma vie (proposition qui me parle et dont j'ai déjà pu apprécier la richesse). Merci monsieur David Mack.
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