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Critique de Soleney


Quelle petite fille n'a jamais rêvé d'être magnifique ? Mieux : d'être un mannequin, qu'on la prenne en photo et qu'elle ait le monde de la mode à ses pieds ?
C'est vrai qu'elles font rêver, ces jeunes filles déliées et pleines d'assurance. Qui pourrait se douter que derrière cette allure de force et de perfection se cache un univers gangréné, pourri jusqu'à la moelle ?

Car ces modèles qu'on admire sont bien souvent traitées comme des animaux, voire comme des objets par les photographes, stylistes et agences. C'est encore pire quand elles sont jugées trop « grosses » : personne ne veut d'elles et les commentaires acides pleuvent.
Mais ça ne s'arrête pas là. Un exemple ? Victoire doit se lever à 6h pour arriver au lieu du shooting à 7h, et tout ça pour quoi ? Pour constater que toute l'équipe est arrivée au même moment et qu'absolument rien n'était prêt. C'est ainsi que la jeune femme et deux de ses comparses ont dû attendre sur une chaise pendant plus de DOUZE HEURES. Ce n'est qu'aux alentours de 20h qu'elles peuvent commencer à poser - pour seulement quatre photos. « Pourquoi est-ce qu'on nous a fait venir si tôt ? » demande-t-elle. Pour toute réponse, un regard méprisant et hautain, comme si elle devait déjà le savoir.
C'est aussi un monde d'illusion. Combien de fois Vic est invitée (ou plutôt « convoquée ») dans des pièces sales, intimidantes, monstrueusement mal rangées et obscures pour atteindre la partie « studio », avec son éclairage et son fond blanc ? Combien de fois voit-elle les photographes retoucher les photos pour ajouter des joues, des seins et de la chair à ces filles à qui on demande de maigrir plus que de raison ? En vrai, les mannequins sont émaciées. Faméliques. Elles n'ont rien de beau. Certaines semblent sortir des camps de concentration. Toutes ont la hantise de grossir, la peur sourde de ne pas rentrer dans les vêtements, ce lien étrange et malsain avec la bouffe, entre attraction et répulsion, honte et besoin physiologique. Les mannequins sont rarement heureuses.

On est en démocratie et nous vivons dans un pays d'égalité et de fraternité. Alors comment se fait-il qu'un couple de photographes puisse obliger trois jeunes filles sous-alimentées à rester des heures en sous-vêtements sur les ponts de Paris en plein automne ? Comment se fait-il que parce que c'est Dior, parce que c'est Chanel, on se permette d'appliquer des produits allergènes et irritants sur les cheveux et la peau de ces dames sans les prévenir ? Comment se fait-il qu'on puisse forcer des jeunes gens à rester assis sans bouger et sans parler sur une estrade lors d'un cocktail pour que n'importe qui puisse à tout moment examiner et toucher les vêtements qu'ils portent ? C'est de l'asservissement.
Alors certes, ils sont consentants et ils sont payés. Et certes, personne avant Victoire ne semble avoir tenté de dénoncer le système – ou alors, cela n'a pas fait assez de bruit. Il n'en reste pas moins qu'on ne traite pas un être humain de cette manière. L'auteure a raison de se comparer à un cintre : c'est comme ça que ces jeunes filles et ces jeunes hommes sont considérés. Comment peuvent-ils trouver le courage de tout quitter si tout le monde les rabaisse et s'ils ont la malchance de ne pas avoir le soutien de leur famille ? Pour moi, c'est le même principe que les violences conjugales : s'il y a eu mariage, c'est que la femme était consentante. Elle n'en est pourtant pas moins une victime.
Mais qui a décrété que les jeunes filles devaient être faméliques pour être belles ? Quand est-ce devenu à la mode ? Rares sont les hommes qui aiment les femmes dépourvues de rondeurs, alors pourquoi est-ce devenu la tendance ? Mais surtout, SURTOUT, pourquoi exiger d'elles qu'elles frôlent la mort si on leur rajoute des formes au montage ?? Est-ce qu'il y a vraiment eu une ou plusieurs personnes pour dicter cela ou alors la machine s'est emballée ?

Victoire, merci d'avoir eu le courage de te livrer. Merci d'avoir eu l'audace de critiquer le système. Ton livre m'a bouleversée. Je savais déjà que la mode n'était pas un monde très rose, mais jamais je n'aurais cru qu'on nierait vos droits d'humains à ce point. Tu sauves peut-être de nombreuses jeunes filles en montrant les coulisses des podiums. J'espère que ton livre parviendra à faire bouger les choses.
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