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Critique de colka


Marx et la poupée. Drôle de titre... qui évoque en deux mots clés, l'odyssée d'une famille iranienne, celle de Maryam Madjidi, fuyant le régime des ayatollahs et la féroce répression qui va s'abattre, à partir de 1980, sur les opposants, notamment les étudiants et les militants communistes, comme les parents de Maryam.
Rien que nous ne connaissions pas déjà sur tout ce qui touche à la torture, à l'emprisonnement arbitraire ou à la "police des moeurs" chargée de remettre dans le droit chemin de la charia celles et ceux qui la transgresse.
Ce qui m'a intéressée et touchée dans ce récit autobiographique, c'est plutôt la voix de la petite Maryam, arrachée à six ans à son univers. L'auteur nous fait partager dans une langue chargée d'émotion, tous les traumatismes qu'elle va devoir affronter depuis son départ d'Iran. Et ils sont nombreux : depuis la perte de ses jouets, en passant par la rupture du lien affectif très fort qui la reliait à sa grand-mère, c'est tout son monde de l'enfance qui s'écroule. Plus de maison, plus de famille, plus de repères autres que ceux qu'elle va découvrir dans ce nouveau pays qu'est la France et qui se réduisent à un studio de 15 mètres carrés à Paris, où elle va vivre avec ses deux parents aussi traumatisés qu'elle...
Elle évoque avec une force qui ne peut manquer de toucher celle ou celui qui lit son roman,le sentiment d'abandon absolu qu'elle va ressentir et sa détresse face à ses deux parents qui ne veulent pas voir ses dessins torturés d'enfant et restent sourds aux cauchemars qui la réveillent toutes les nuits. Reproches sous-jacents ? Sans doute... Mais surtout passages très émouvants évoquant la détresse d'une enfant perdue dans la douleur de l'exil.
Sa seule défense va être un repli sur elle-même qui va se traduire par un refus d'apprendre la langue française au grand désespoir de son entourage, un refus de la nourriture française et une phobie de la cantine scolaire où l'on essaie par tous les moyens de la forcer à s'alimenter. Fuir dans un monde imaginaire sera apparemment ce qui va la sauver. C'est du moins ainsi qu'elle nous présente son retour à la vie. D'où ses dialogues imaginaires avec sa grand-mère qui ponctuent le récit et surviennent toujours à un moment où elle est au bord du gouffre...
C'est d'ailleurs le deuxième point fort du roman que cette ouverture sur l'imaginaire. Maryam Madjidi alterne avec bonheur les épisodes de narration sous forme de carnets de bord et les passages qui relèvent du conte, de la parabole ou du poème. Un beau relais lorsqu'elle évoque des points trop douloureux comme par exemple, l'affrontement avec son père au sujet de l'apprentissage du français, puis de sa langue maternelle, le persan.
J'ai donc beaucoup aimé le regard de l'auteure sur l'exil vu par ses yeux de petite fille, puis d'adolescente et enfin de jeune femme. Parcours semé d'embuches mais qui a fait d'elle une femme engagée, ouverte aux autres et avide de découvertes et de nouveaux espaces.
Mes seules réserves sont au niveau du style. J'ai eu parfois l'impression que sa plume courait plus vite que ses idées et qu'elle se laissait aller à certaines facilités d'écriture... Mais c'est un premier roman et à ce titre il mérite indulgence et encouragements.
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