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Critique de DETHYREPatricia


Ce livre compte parmi les finalistes du PRIX DES AUTEURS INCONNUS 2023, catégorie Blanche, dont je suis l'une des jurés.
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Au vu de l'extrait présenté au titre des présélections, je l'avais intégré à mon top 10 et même placé à la 5e place, tant le début du roman laissait présager une enquête haletante à la suite d'une disparition d'enfant (thème hélas d'actualité). Parmi les points forts relevés à ce stade, la 1re de couverture sombre à souhait, un résumé court mais efficace qui donnait envie de connaître la suite, une fluidité dans la narration écrite dans un français correct. Seul bémol et incompréhension : pourquoi l'avoir présenté dans la catégorie blanche, alors qu'il aurait mieux convenu dans la catégorie noire ?

La lecture du roman dans son intégralité a permis de valider ce choix premier et de confirmer le réel potentiel de l'auteure (qui, elle le précise en fin d'ouvrage, en est à son quatrième livre). Malgré les quelques remarques que j'ai à formuler, cela reste un livre fluide à la lecture, qui aborde des thèmes difficiles dits « de société », et dont l'enquête se suit de façon addictive au rythme des questionnements, des différentes pistes ouvertes, explorées et, parfois, refermées.

Sur le fond, l'enquête menée à la suite de la disparition de Jules, onze ans, sur le chemin entre son collège et le city Park de basket de Saint-Père-en-Retz (44) où il devait retrouver ses jeunes camarades est l'occasion d'aborder de nombreux thèmes : le harcèlement scolaire, les inquiétudes des parents quand ils sont confrontés à la disparition de leur enfant ; les « temps de flottement » de la police, ou ici de la gendarmerie, dans les premières heures de la disparition et les méthodes d'investigation qui suivent celles-ci pour en déterminer les causes (fugue ? crime ? enlèvement ? accident ?) ; la situation particulière des mères « incapables » d'élever et de prendre soin de leur enfant ; la schizophrénie et ses conséquences ; les pères trop souvent absents ; les méthodes de placement de l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) ; le rôle des familles d'accueil et les liens d'attachement qui peuvent les unir aux enfants placés ; mais aussi l'éthique journalistique (dire l'information dans le respect des procédures ou chercher à faire de l'audience, du sensationnel au risque d'inventer ?) ou encore les pratiques sectaires et leurs conséquences sur le développement des enfants, mais aussi des adultes confrontés à un phénomène d'emprise et de perte de leur libre arbitre.

Sur la forme, le roman s'ouvre sur les paroles d'un enfant (toujours écrites en italiques) dont le nom et l'âge, ainsi que l'époque sont indéterminés, mais dont on sait qu'il se retrouve dans un contexte contraint et insécurisant. Puis, s'ensuit la narration au temps présent des faits tels qu'ils sont vécus par Jules, puis par sa famille d'accueil (c'est un enfant placé), puis par les différents protagonistes de l'enquête.
Régulièrement, des propos en italiques viennent en alternance, pour décrire le vécu de l'enfant (ou des enfants, car on verra qu'ils sont plusieurs à s'exprimer) et viennent éclairer les circonstances de ce vécu, au gré des événements et de la description des lieux, des activités et autres interactions avec d'autres enfants ou encore des adultes.

Si on suit avec intérêt, et relativement facilement, les deux histoires en parallèle, il reste qu'il y a certaines zones d'ombre qui, à un moment donné, posent problèmes : qui est cet enfant qui parle ? Est-ce toujours le même ou bien sont-ils plusieurs ? Au départ, on pense à Jules, mais celui-ci a onze ans, et on se rend vite compte qu'il ne peut réclamer sa « luciole ». le contexte temporel n'est pas très clair non plus. de mon point de vue, dès lors qu'on commence à introduire des chapitres avec des dates, il faut poursuivre et rendre les choses claires pour le lecteur… ou alors mettre dans le texte des indications temporelles permettant de situer l'époque.
Dans le présent, l'auteure fait le choix de mettre une date, puis de continuer avec des noms de jours… On a bien du mal à suivre la temporalité des choses. Un moment donné, elle indique en seconde partie « Trois mois plus tard », or, l'un des enfants (dont on peut croire qu'il s'agit de Jules) dit qu'il est là depuis « trois ans », dès lors, on est largué. de même, on comprend qu'un certain temps est passé (3 mois ou 3 ans ?) quand on sait que l'un des protagonistes s'est mis en pause de son travail et quand on découvre que l'un des gendarmes se retrouve très lié à l'un des personnages féminins… On imagine bien que les choses ne se sont pas faites en trois mois. Dès lors, il y a une énorme ellipse : quid du ressenti des parents d'accueil ? quid des atermoiements de l'enquête ? quid du devenir de la mère génétique ?

J'ai mis un peu de temps à entrer dans le livre malgré tout mon intérêt pour la description des circonstances de la disparition de Jules et les débuts de l'enquête. le premier tiers du livre m'a semblé assez fade et j'ai dû m'accrocher pour poursuivre. L'écriture m'a parue assez simple et convenue et les dialogues (notamment ceux entre Emma et Quentin) assez puérils (la ficelle est très grosse quant au devenir de ces deux-là).

Malgré les circonstances, l'intensité dramatique n'était pas au rendez-vous, jusqu'à l'engagement déterminé de Quentin qui semble vouloir prendre les rênes d'une enquête menée en parallèle à celle des gendarmes. D'un point de vue formel, cette participation active d'un « civil », de surcroît journaliste, apparaît très peu crédible. Mais, la lectrice que je suis a bien voulu passer outre le réalisme des situations, dès lors où ses investigations permettent d'y voir plus clair. Car, à un moment donné, on a bien du mal à s'y retrouver entre les parents légitimes, les parents d'accueil d'hier et d'aujourd'hui, les différents enfants (légitimes ou placés), les amis (enfants/adultes), les différents suspects (l'histoire de la R11 est assez révélatrice du flou qui préside), les différents gendarmes, les familles vivant en communauté, les histoires qui s'écrivent au présent et celles qui se sont écrit dans le passé. Parfois, on ne sait plus qui est qui, ce qui peut dérouter.

Le second enlèvement d'enfant, mené dans une commune limitrophe du Morbihan, marquera la montée en puissance du roman et de son intensité dramatique, avec un rythme plus soutenu et le suivi des différentes pistes possibles. Dès lors, mon intérêt s'est réactivé et je n'ai plus lâché le livre, pour en connaître le plus rapidement possible le dénouement.

De même, on verra comment ces histoires du présent rejoignent de façon totalement fortuite (pas tant que cela finalement, on le verra par la suite) une histoire du passé dont Quentin a été partie prenante. Ceci explique sans doute son investissement personnel dans cette enquête.

Peu à peu, les choses se mettent en place vers la résolution finale. Pour ma part, j'avais identifié le dernier suspect potentiel, sans toutefois préjuger de sa double identité. J'ai trouvé la fin un peu bâclée : sauf erreur d'interprétation de ma part (notamment sur les écrits en italiques formulés par tel ou tel enfant), on ne sait pas grand-chose du ressenti de Jules durant sa séquestration, ni du réel devenir de sa maman… dont pour ma part, j'en étais restée qu'elle se trouvait en hôpital psychiatrique. Si certains éclairages des dernières pages permettent de mieux comprendre certains faits, on reste quand même sur sa faim quant au traitement qui sera infligé aux principaux responsables.

Pour être complète, je n'ai pas vraiment compris le sens réel de la phrase du titre, même si j'ai bien vu qu'elle apparaissait dans le corps du récit. Dommage. Si globalement, la syntaxe est bonne et l'orthographe est correcte, j'ai relevé ici ou là quelques petites coquilles (ex : présence intempestive de tirets de dialogue, « un de leur moment privilégié », « la gendarmerie devrait bientôt commencer les recherches de leur côté », « vous venez pourquoi ? » (pour quoi), « quelques moments de tâches partagés » ; et quelques expressions mal formulées (ex : « …aucun d'eux ne semblaient gêner d'en parler alors qu'ils avaient chacun aidé, par leur inaction, leur silence, à ce que cette situation s'envenime », « ce serait plus sympa d'en parler pour autre chose qu'avec la disparition d'un enfant », « elle se souvient d'entendre la maman de Jules les évoquer… »,
De plus, l'acronyme AIT aurait mérité d'être explicité en note de bas de page. J'ai dû chercher pour en comprendre le sens (Accident ischémique transitoire).

Hormis ces quelques remarques formelles qui se veulent constructives, ET TU ENTENDRAS LES OISEAUX CHANTER reste un roman attractif qui se laisse lire sans déplaisir pour peu que l'on s'intéresse aux différentes thématiques de fond abordées.
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