AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Meps


Meps
22 février 2022
Sur les conseils avisés d'une spécialiste (Musardise pour ne pas la nommer... en entier :) ), je poursuis ma découverte de Maeterlinck qui me parle beaucoup plus que je ne l'aurais cru.

Après l'Intruse, c'est encore à la Mort que nous sommes confrontés. La différence est qu'ici, elle a frappé dès le début de la pièce... mais que nous sommes les seuls au courant, puisque tous les personnages sont aveugles et que le seul voyant est mort au milieu d'eux. Ils le croient partis et la pièce est fait de leurs échanges, de leurs angoisses, de leur rapport à cette réalité inconnue qui les entoure.

Maeterlinck ne nomme pas ses personnages mais il les regroupe tout de même en différentes entités : les aveugles-nés, craintifs et pessimistes ; les vieux aveugles, qui n'ont que des vagues souvenirs d'avoir vu, mais que cela amène à plus s'interroger, à chercher à trouver des solutions; les aveugles encore plus malades, le sourd et la folle, avec qui on ne peut entrer en communication et qui ne constituent donc pour les autres que gêne dans leurs échanges; le sixième aveugle qui discerne encore la lumière et la jeune aveugle, qui se souvient très bien avoir vu, sans doute la plus optimiste, elle qui veut que chaque bruit soit synonyme de bonne nouvelle. Dialogues d'aveugles et donc régulièrement dialogue de sourds puisque leurs questions finissent toujours par se heurter au mur de leur ignorance: ils ne peuvent pas voir, pas se voir entre eux, pas se voir eux-mêmes, pas avoir une vraie connaissance de leur environnement. La nature autour d'eux (vent, mer, feuilles) est presque toujours plutôt menace que bienfait, surtout pour les aveugles-nés qui préfèrent quoi qu'il arrive la protection de l'hospice, le côté rassurant qu'offre le monde civilisé, le fait de savoir qu'on s'occupe d'eux.

Évidemment on ne peut s'empêcher de filer une métaphore facile: ceux qui ne veulent pas voir et veulent rester ignorants, préférant faire confiance à d'autres pour décider de leur sort ; ceux qui sont tombés dans le défaitisme après avoir eu soif d'apprendre étant plus jeune; ceux qui n'ont pas abandonné tout espoir et pensent encore à des lendemains qui chantent. Il y a même l'espoir concret du nouveau né, fils de la folle et qui lui voit et peut être le guide qui les sauvera tous. Mais à l'autre bout de la vie, il y a le vieux prêtre, déjà mort et qui leur annonce leur destin inéluctable à tous.

Comme pour l'Intruse, on ne peut pas qualifier le théâtre de Maeterlinck de follement enthousiaste et optimiste. Mais il a le mérité d'affronter en face la seule vraie question, celle de notre devenir et de l'intérêt de continuer à se battre. Même si le destin inéluctable est posé, le ridicule affligeant des aveugles-nés en face de la candeur touchante de la jeune aveugle me fait penser que Maeterlinck n'était pas si catastrophiste qu'il cherche à le montrer. Mais peut-être est-ce surtout parce que je suis de mon côté un optimiste indécrottable, adepte du clin d'oeil qui m'offrirait un destin de monarque, puisqu'on connait le sort réservé aux borgnes dans certains royaumes.
Commenter  J’apprécie          557



Ont apprécié cette critique (53)voir plus




{* *}