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Critique de colimasson


Ce livre n'est plus réédité depuis un moment. Normal, il est trop cool. C'est comme « Réponse à Job » de C. G. Jung : plus réédité non plus depuis des décennies. On pourrait sans ambages affirmer que le monde de l'édition vivote dans un entre-deux limbique peuplé par ces mêmes morts qui viennent se lamenter auprès de Basilide dans les « Sept Sermons aux Morts ».


Christine Maillard propose plusieurs mets fort croustillants : une traduction du texte original de Jung, bien meilleure que celle proposée dans la version de l'Herne ; une interprétation érudite du texte ; une lecture comparée avec l'oeuvre globale (l'à-venir) de Jung. C'est dense, c'est riche, c'est fou. Si on avait aimé les SSAM, on avait pensé toutes ces choses-là, mais jamais on n'aurait su les exposer et les dire avec un tel art de la condensation et de l'expansion. C'est l'amour qui se fait théorie sans jamais s'assécher.


Jung s'était amusé à nous présenter un certain Basilide d'Alexandrie, gnostique des premiers siècles, mystification qui suppose de se découvrir à soi-même un initiateur qui permettra au mort que nous sommes (le névrosé) d'atteindre le Soi en accomplissant son individuation.


Ce commentaire des SSAM ne permet pas seulement de comprendre le texte, à lui-même particulièrement intéressant en ce qu'il caractérise la centroversion de Jung suite à sa rupture avec Freud, mais aussi parce qu'il permet de s'imprégner de l'oeuvre entière de Jung et d'en comprendre les moindres subtilités. En fait de gnosticisme, Jung se réfère surtout à des principes connus de l'hindouisme (prakriti, âtman, brahman). Il pioche dans les trois Livres des Morts de notre humanité (égyptien, gnostique, taoïste) mais ne s'identifie jamais exclusivement à l'un ou à l'autre.


Tout, dans l'oeuvre de Jung, procède de cette différenciation fondamentale pour distinguer notre nature réelle de celle qui procède des identifications et des projections. Si Jung se moque autant des Morts de ses Sermons, disant qu'ils sont effrayés par les propos de Basilide parce qu'ils sont des « Morts chrétiens », c'est parce qu'il construit une « religion de la sortie de la religion », condamnant le christianisme exotérique pour avoir projeté le Soi sur le Christ, et pour l'avoir soustrait à l'homme empirique. « C'est pourquoi le christianisme est la religion de l'inachèvement de l'homme, de la déchirure entre l'homme empirique condamné à s'expérimenter dans sa nullité, et l'homme transcendantal dont le modèle christique est une projection ». Si Basilide vient d'Alexandrie, ville de la conjonction de l'Orient et de l'Occident, c'est parce que Jung a voulu faire se rejoindre les deux traditions pour nous permettre de sortir de l'inachèvement dans lequel le christianisme a poussé l'homme occidental.


Jung n'est compliqué que pour celui qui ne voudrait pas amorcer le chemin de l'individuation. Sinon, ce mec donne des ailes, et Christine Maillard nous le rappelle encore une fois.


« En réponse à ceux qui avaient tué le monde de l'âme au nom du dogme de la raison, comme à la vision religieuse classique du christianisme, Jung propose une troisième voie ; celle de la pure et simple expérience de l'âme qui se vit, depuis la fondation du monde, comme un mythe. Pour Jung, le mythe se vit au quotidien, dans chaque geste, chaque rencontre, à travers les phases de l'existence humaine, qui redevient alors le parcours initiatique qu'elle n'avait cessé d'être qu'aux yeux de ceux qui vivaient sous l'ordre de la foi ou sous celui de la raison. »
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