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Critique de Kirzy


Thalia Keith, " c'est celle qui " a été retrouvée morte en 1995, dans la piscine du campus de la prestigieuse école Granby dans le New Hampshire. L'enquête a montré que la cause de sa mort était la noyade mais le corps présentait également des signes de fracture ouverte à l'arrière du le crâne, des hématomes au niveau du cou révélant qu'elle a été étranglée. Un seul suspect officiel, le jeune et noir préparateur physique Omar Evans. Son ADN a été retrouvé sur le maillot de Thalia. Il a avoué, il s'est rétracté. Accusé de meurtre sans préméditation, il a été condamné à soixante ans de réclusion. Elle avait 17 ans, c'était il y a 23 ans.

Bodie Kane était la colocataire de la très populaire Thalia, pas son amie. Vingt-trois ans après les faits, désormais célèbre podcasteuse spécialiste du cinéma, elle revient à Granby pour donner des cours durant quinze jours. Ce n'est plus l'adolescente mal dans sa peau, ne se sentant pas à sa place entourée de camarades beaux et riches qu'elle ne comprend pas, elle a grandi « par-dessus elle comme les anneaux autour du centre d'un arbre, mais elle était toujours là. ». le doute s'installe. Et si Omar Evans avait été inculpé à tort ?

La structure narrative choisie pour porter cette contre-enquête est très sophistiquée, spiralaire. L'intrigue ralentit à coup de flashbacks, accélère lorsque le présent éclaire le passé pour permettre de lire des indices, dans un va-et-vient captivant qui avance comme un thriller psychologique fouillé. le caractère glissant de la mémoire ainsi que la nature fugitive de la vérité sont au centre de tout le récit. Rebecca Makkai dit remarquablement comment les souvenirs se réactivent lorsqu'on revient sur les lieux de leur expression mais se transforment avec le temps qui passe. Bodie se retrouve à évaluer sa propre expérience de 1995, révisant minutieusement ses souvenirs à l'aune de ses quarante ans.

Car les années 90 ne sont pas les années 2010. L'autrice ne recherche pas le sang mais ouvre sa focale sur une réflexion plus large à l'aune des préoccupations actuelles qui interroge la société américaine, son racisme endémique, son système judiciaire défaillant, la frénésie sensationnaliste souvent nauséabonde autour des True Crimes, l'emballement des tribunaux médiatiques et surtout les violences faites aux femmes qui désormais ne sont plus tues

Le meurtre de Thalia et ses suites s'inscrit au croisement de toutes ces problématiques. C'est chargé, c'est très riche mais toujours fait avec subtilité tant Rebecca Makkai questionne avec acuité les tropes du MeToo. La fin du roman suspend tout jugement définitif tout en apportant la quasi certitude de qui a tué la jeune fille et pourquoi, laissant intelligemment au lecteur toute sa place pour ajuster ses propres considérations, voire introspections sur l'adolescent qu'il a été et le chemin qu'il a parcouru depuis.



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