Citations sur Les gens de Combeval, tome 1 (10)
Il se sentait pris dans un étau avec ces questions. Il ne savait rien des filles, de ce qu’elles pensaient de lui et si, tout ça, ces galanteries, ces petits baisers, ces effleurements doucereux, c’était du sérieux ou non. Il l’espérait, néanmoins.
Elle se disait avec tristesse que les femmes, passé quarante ans, n’intéressent plus les hommes. À moins qu’il y ait encore des sentiments. « Les sentiments, ça les rend aveugles, les hommes. Mais mon Charles ne me désire plus. Pourtant, il ne court pas la gueuse, comme certains. On dirait qu’il a fait une croix là-dessus. Et que je sois grosse ou maigre ne change rien à l’affaire. »
« Nous ne sommes rien, que des paysans accrochés à une terre ingrate. Et nous n’en sortirons pas, quoi que nous espérions, enchaînés par le travail quotidien, sans joie, sans satisfaction. » Elle aimait à distiller de telles horreurs à ses enfants, comme pour les protéger d’eux-mêmes, les garantir des mirages.
Montagnac aimait travailler avec sa femme. Il lui donnait des ordres comme à une domestique. Elle ne se rebellait jamais, même lorsque ses observations étaient injustes. C’était sa manière de l’aimer. Et quand ils s’arrêtaient de besogner pour boire à la cruche, assis à l’ombre d’un chêne, il avait de petits gestes affectueux pour elle, comme si ses caresses furtives lui rappelaient des souvenirs anciens. Mais elle le regardait en souriant, les fossettes creusées par la fatigue. « Pauvre homme, nous ne sommes plus bons à rien. »
Ah, le mariage ! se dit-elle. Une terrible épreuve quand on épouse quelqu’un que l’on n’aime pas !
« Notre Reine n’est pas faite pour ce jean-foutre. Il lui faut un homme, un de ceux qui respirent la force et l’autorité, une poigne de fer dans un gant de velours. »
« Ne t’avise pas à en jouer sur moi, avait-elle ajouté. Une femme, mon Marcel, c’est fragile. Un rien la brise. » Et pour tempérer la dureté de son propos, elle était venue poser un baiser sur sa joue, délicatement. Il en avait éprouvé un tel trouble qu’il s’était senti singulièrement encouragé. « Peut-être finira-t-elle par m’aimer ? » avait-il pensé, le feu aux joues.
Les vérités sont cruelles, tout aussi cruelles que l’existence qui les invente jour après jour. Alors, je préfère préserver ses illusions sur lui-même. C’est une affaire sentimentale.
La vieillesse est comme un rétrécissement du monde. On s’y accommode, grâce à la variété des souvenirs. Ce sont eux qui prennent toute la place.
Dans ce monde, chacun est à sa place : les mouches, les hommes, les plantes. Tout est parfait.