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Critique de Fandol



En quelques pages, ce roman signé Yamen Manai, donne la parole à un jeune garçon dont le prénom n'est jamais révélé.
Celui-ci s'adresse tour à tour à un avocat commis d'office, maître Bakouche, qu'il refuse d'appeler maître et le nomme monsieur.
Ensuite, c'est au docteur Latrache, un psychiatre, à qui il dit tout ce qu'il a sur le coeur. Puis il revient à l'avocat.
Loin d'être ennuyeuses, ces confidences, ce vécu qu'il raconte sont d'une simplicité désarmante et d'une efficacité impressionnante.
Notre garçon parle de la Tunisie, son pays et celui de l'auteur, de sa famille, de ses relations avec ses camarades. Je suis impressionné, ému au possible en lisant cela.
Pour Bel abîme, Yamen Manai a obtenu le Prix Orange du Livre en Afrique 2022 et c'est formidable qu'un tel livre soit mis en lumière, sorte de l'anonymat, comme cela arrive, hélas, à la plupart des publications.
Sans divulgâcher, il faut d'emblée avouer que ce garçon, âgé de 15 ans, a tiré sur son père, sur le maire et sur le ministre de l'environnement sans oublier un autre homme payé pour… je ne le dirai pas.
Yamen Manai m'impressionne car le langage du jeune homme est dépouillé, direct, sans fioriture. le nom de Bella revient souvent mais…
J'ai été particulièrement sensible à ce qu'il dit sur sa vie familiale, ce mépris, cette brutalité que l'on retrouvent aussi à l'école. Son tableau de la société tunisienne, de la crasse, de l'état lamentable des quartiers périphériques de Tunis et même des plages, est révoltant.
À propos de révolte, voilà qu'il démonte toute la révolution tunisienne (décembre 2010 – janvier 2011) devenue une légende merveilleuse à donner en exemple au reste du monde. Hélas, on n'en parle plus et celui qui s'exprime et en dénonce les effets pervers, est vite ostracisé. Les problèmes existant auparavant se sont aggravés, d'une manière sournoise. Il le prouve mais cette légende est la plus forte. Elle fait tellement plaisir à ceux qui s'en réclament mais font tout pour ne pas en appliquer les principes.
Plongeant dans ce Bel abîme, notre adolescent révèle une force incroyable. Sans esbroufe, Yamen Manai lui fait raconter tout ce qu'il a vécu, tout ce qu'il vit. Son père, docteur en civilisation arabo-musulmane, ne cherche qu'à épater la galerie avec sa voiture dernier cri mais n'hésite pas à gifler son gosse dès qu'une réflexion lui déplaît.
Il y aurait tant à dire sur cette lecture qui m'a, à la fois passionné et bouleversé. le garçon qui s'exprime dresse un tableau d'un réalisme incroyable. Yamen Manai le fait s'exprimer simplement et cela suffit à mettre mal à l'aise le monde des adultes qui se complaisent dans leurs avantages acquis et ferment les yeux sur l'injustice, le laisser-aller, la misère, la pollution et bien d'autres maux, dans des opérations de prestige, dans la communication ou, pire, pour faire la guerre.
Lisez Bel abîme ! Vous n'en sortirez pas indemnes. le livre est court et terrible. Il se lit facilement et le Prix Orange du Livre en Afrique 2022 qu'il a obtenu, est amplement mérité. Nicolas Zwirn, de Lecteurs.com, a bien fait de me le recommander et je l'en remercie chaleureusement.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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