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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Dans une propriété de la Région parisienne, le Maréchal Oufiri, chef de l'armée du Zimbabwin, un État imaginaire du continent africain, se délasse sur un divan. Sa nuit d'insomnie s'étire. Dans une chambre à l'étage, le colonel Jumbo, chef des services secrets du même Etat, besogne une jeune femme tandis que N'Gustro, un opposant politique est pendu par les pieds dans la cave. le Maréchal écoute une bande magnétique enregistrée un peu plus tôt par Henri Butron, un homme qui vient d'être assassiné par ses nervis.

Butron revient au cours de l'enregistrement sur son parcours personnel et sur l'affaire N'Gustro. Il a grandi à Rouen au sein d'une famille bourgeoise mais il s'est très vite rebellé. Il emprunte des voitures pour faire des virées jusqu'au jour où il tombe nez-à-nez avec un propriétaire mécontent auquel il fracture le crâne. L'affaire est étouffée mais pour rentrer dans le rang, il doit s'engager dans l'Armée. Destination l'Algérie ! Blessé au cours d'un exercice, il revient en Normandie avec son lot d'histoires glorieuses, la plupart inventées, et se met à fréquenter les milieux d'extrême-droite. Peu après, il ouvre le feu sur des policiers venus l'arrêter. Direction le centre pénitentiaire. Amnistié, il retourne au domicile d'Anne, une militante communiste avec qui il a entretenu une relation mais il la surprend avec deux visiteurs. le salon de la jeune-femme est rempli de caisses d'armes. Butron offre son aide aux deux hommes pour expédier ces caisses vers le Zimbabwin, plongé en pleine guerre civile après la décolonisation. Voilà Butron pris dans un engrenage qui va rapidement le dépasser et se jouer de lui.

Le roman est directement inspiré de l'affaire Ben Barka et en reprend les circonstances. Un opposant enlevé à Paris par des policiers, l'implication d'un haut dignitaire étranger, la collaboration d'un journaliste et d'un réalisateur de cinéma, la coopération de barbouzes et de malfrats français, etc.

Le récit se fait en deux temps, avec d'une part les chapitres consacrés à Oufiri et Jumbo au cours de la longue nuit qui précède leur retour au pays et d'autre part, l'écoute par étapes de l'enregistrement de Butron qui fait un exposé chronologique des événements marquants qui l'ont conduit à participer à l'affaire. Butron s'est engagé dans la violence politique moins par conviction que par goût de l'aventure et pour échapper à son quotidien. Il est dépourvu d'idéal ou de maître à penser et n'hésite pas à fréquenter des gauchistes. Il impressionne par sa violence et sa cruauté. Mais quand le jeu va se durcir, il va se faire duper par un agent double ou, plus tard, se jeter dans une manipulation la tête la première.

Dans ce roman noir, les salauds sont pathétiques et les idéalistes finissent le visage en sang ; seuls les plus cyniques s'en sortent vainqueurs. La fiction est si proche de la réalité…

Le récit est d'une construction aboutie qui mêle le parcours erratique d'un insoumis aux considérations cyniques et meurtrières de barbouzes. le récit est servi par un style travaillé et incisif. le langage qui comprend des mots d'argot est percutant et donne un rythme nerveux au récit.

Peu de surprises dans ce roman mais il ne fallait pas en attendre plus d'un roman s'inspirant d'un fait divers célèbre. Il n'en reste pas moins original dans son traitement et agréable à lire. Voilà un polar riche en sens et en style. Si le contexte politique a changé, l'esthétique de Manchette, elle, a conservé toute sa puissance. Et la vérité n'a toujours pas été faite sur la disparition de Ben Barka...
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Manchette JP. L'affaire N'Gustro. Gallimard 1971. 224 p. 5 étoiles.
Le roman est directement inspiré de l'enlèvement et de l'exécution de Ben Barka en 1965, il narre.
C'est la nuit. Dans une propriété dans les environs de Paris, le maréchal Oufiri, chef de l'armée du « Zimbabwin » (l'Algérie en fait), insomniaque, méchant sadique, se prélasse sur un divan.
Dans une chambre à l'étage, le colonel Jumbo, chef des services secrets du même Etat, besogne la poulette du maréchal tandis que N'Gustro (Ben Barka), un opposant politique est pendu par les pieds dans la cave. Il se demande ce qu'il va bien pouvoir faire de l'un et de l'autre… 😊
Le ton est donné pour ce roman dont les scènes se déroulent comme dans un film noir français de la même époque.
Passionnant. Chaque personnage est typé. L'argot est parlé. L'humour est omniprésent présent. Très noir, très fort comme le café filtre. L'intrigue est serrée, comme l'expresso. le tout vous tient éveillé jusqu'au bout de la nuit. Pas question de le lâcher ce roman…
Critique sociale également. J'en retire une confirmation de ce qui se passe à notre époque : lâchez la bride au socialisme (1905 - https://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_socialiste_(France) ) et
une partie de sa direction redeviendra léniniste /marxiste/stalinienne (comme vous voulez) et participera à un état devenu totalitaire (1 message politique, une presse, une démocratie bâillonnée, un parti et un clientélisme d'une ampleur incroyable…c'est ce qui se passe en Belgique).
Noir ou rouge, qu'importe la couleur pourvu qu'on ait le pouvoir. Absolu. https://fr.wikipedia.org/wiki/Pacte_germano-sovi%C3%A9tique
A noter que lors de la dernière guerre mondiale, le parti communiste (issu du « socialisme ») a généralement servi l'occupant nazi (e.a. en dénonçant des résistants français inscrits sur leurs listes de membres).
Et si on s'entendait sur une éthique universelle ? (honnêteté, vérité, non-violence, maîtrise des désirs, non accumulation des biens au-delà du raisonnable) et que les lois et les hommes politiques désignés devaient répondre à ces critères ? 😊 …
Et si la désignation du Président devait être décidée publiquement par le résultat d'une prévision à 5 ans de ce qui se passera dans le monde et pour le pays, au niveau social, politique, économique. Et non sur base d'un programme qui n'est jamais respecté ?
On peut toujours rêver.
Bref, revenons au récit. du suspense. de la violence. Peu d'amour. Beaucoup d'humour. Noir. Un coup de poing dans la figure. J'ai adoré… !
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Bel hommage à Jean-Patrick Manchette, décédé il y a vingt-cinq ans, que de rééditer L'affaire N'Gustro. L'écrivain, devenu culte pour les amateurs de romans noirs, s'est forgé au fil du temps une réputation de mastodonte du genre. Il s'est fait l'instigateur d'un autre polar, politique et sociétal. L'affaire N'Gustro, directement inspirée de l'enlèvement de Ben Barka en 1965, n'échappe pas à la règle, au contraire. Servi par un protagoniste ahuri, fasciste et détestable, ce grand roman se dévore d'une traite, et laisse dans la bouche de son lecteur ébouriffé un étrange goût de reviens-y.

Manchette débarque sur la scène littéraire en 1971 et L'affaire N'Gustro est son deuxième texte publié dans la Série Noire. D'un coup de pied tonitruant, le jeune écrivain envoie bourlinguer au diable la fourmilière ordonnée du roman policier bon-enfant. Il apporte avec lui un nouveau genre de polar, un polar qui se veut noir et rouge ; noir comme les tréfonds de la vie politique, rouge à forte tendance internationale. Ce registre inédit en France lui est directement inspiré par les auteurs d'outre-Atlantique, fers de lance du roman noir : Raymond Chandler ou William Burnett, entre autres. Intrinsèquement sociétaux, les textes de Jean-Patrick Manchette sont ancrés dans une réalité politique trouble, et sont servis par un style trépidant, à cent à l'heure.

Henri Burton est un crétin. Un imbécile oisif porté sur l'extrême-droite sans conviction, un vaurien prétentieux, une petite frappe du dimanche. En 1960, tout jeune lycéen déjà, le goût du vice est chez lui irrépressible. le malotru trouve ainsi la grande idée de piquer une jolie Fiat, se faisant mousser pour draguer la galerie, sans être suffisamment malin pour esquiver le propriétaire du véhicule. En désespoir de cause, Burton lui fend le crâne, et, pour étouffer l'affaire, le voyou est parachuté en Algérie. Commence ainsi le parcours anecdotique d'un imbécile en vadrouille. Mythomane averti, Burton s'invente un passé de tortionnaire, puis fricote avec l'OAS, avant de se retrouver au trou pour dix piges. Finalement gracié, il reprend ses bas larcins, et devient trafiquant d'armes par opportunisme. Grand bien lui fasse, puisque Burton est finalement suicidé par le chef de l'armée d'un état imaginaire, le Zimbawin, après avoir, un peu malgré lui, joué un rôle dans la guerre civile qui a secoué le pays. le Maréchal en question se repasse au cours d'une nuit insomniaque les tristes mémoires d'Henri Burton, protagoniste gerbatoire du roman qui nous occupe.


Le style Manchette tape comme un revers du gauche. Il a les mots uppercut, la langue foudroyante, la syntaxe assassine. Il réussit l'exploit difficile de retranscrire avec la même exactitude les conflits politiques qui agitent l'époque et la psychologie ectoplasmique de son personnage. le récit est lancé à cent à l'heure, les évènements s'enchaînent à un rythme effréné et magistralement maîtrisé. La langue est riche sans être prétentieuse, elle est acérée et enflammée, unique. Dans l'univers sombre de Manchette, les barbouzes défouraillent à tout-va, les mots claquent et le lecteur jubile. L'affaire N'Gustro est un roman jouissif, à lire expressément. 
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Quel talent d'écriture ! Un roman noir, rythmé à souhait, exalté et extrêmement drôle.
Le contexte politique, les mouvements anti-coloniaux des années soixante comme toile de fond. La construction, simplissime : alternance de chapitres consacrés à la confession enregistrée de Butron, un triste sire, combinard opportuniste et embrouilleur, et de scènes où l'on retrouve Oufiri, ministre en poste en centre Afrique (sic), écoutant cette même bande.
Et ces gimmicks : les armes, les voitures, les morceaux de jazz, la caractérisation physique des personnages (ressemblance avec tel musicien ou tel acteur).
Un bijou dérangeant à souhait, à lire au troisième degré.
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Je connaissais de Jean-Patrick Manchette ses captivantes histoires de vengeance ou de chasse à l'homme, où transparaissait toujours une critique acérée de l'organisation sociale contemporaine. L'Affaire n'Gustro (pourtant seulement son deuxième roman !) me semble pourtant une oeuvre d'une portée littéraire et politique bien supérieure. Manchette construit un dispositif narratif habile (que je ne dévoilerai pas ici) pour narrer une affaire françafricaine par la voix d'une petite frappe à moitié fasciste, témoin a priori absolument antipathique mais qui au fur et à mesure du texte devient presque un double de l'écrivain. Autour de ce gratte-papier paumé gravitent des personnages inquiétants, souvent construits comme des paires de jumeaux donnant lieu à autant de sublimes et vaines arguties sur la nature du bien, ou les raisons d'agir. Assurément une grande oeuvre littéraire.
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