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Critique de sebthoja


Poétique et mystique, la fable écologiste et humaine de Pascal Manoukian fascine aussi bien pour sa spiritualité que son actualité.

L'immensité de la forêt amazonienne peut renfermer des trésors inespérés : cette boucle presque parfaite du plus puissant fleuve du monde qui draine le poumon de notre planète en est une. Seulement ouverte par une étroite bande terre à l'Ouest, cette figure remarquable attire immanquablement ceux qui par hasard l'apercevraient par les airs. «  À l'intérieur, une beauté primaire, unique, presque irréelle, un reste d'Eden oublié là, posé intact depuis des millénaires au milieu de l'immensité  », c'est la vision romantique qu'en a Gabriel depuis son avion privé avant de s'y écraser. Cet industriel à hautes responsabilités n'a le temps de rien, mais a les moyens de tout se payer. Son crash dans ce qu'il croit être le paradis perdu lui révélera la beauté d'une nature très différente de celle qu'il pensait y trouver : celle d'une autre humanité.
L'homme d'affaires survit à l'accident, retenu par l'épaisseur de la forêt tropicale, mais aura sérieusement endommagé son appareil. Dans sa carlingue cabossée, son corps inconscient sera bientôt retrouvé. Car la région est habitée par une tribu isolée encore inconnue des civilisations industrialisées. L'apparence de roman d'aventures se transforme alors en véritable étude ethnologique. Reconstituant la culture, les croyances et le quotidien de ce peuple imaginaire, Pascal Manoukian nous offre aussi une véritable réflexion sur nous-mêmes. Car chez les Yacou on connaît cinquante-sept mots pour décrire les nuances de vert, mais aucun pour évoquer le profit, la science ou le bonheur. Chacun a son double animal comme un «  indispensable équilibre entre toutes les vies  » chez ce peuple nomade, qui refuse de s'arrêter, car s'installer reviendrait à prendre possession et à devoir défendre ses biens. «  La nature n'a pas besoin de l'homme, il doit se faire petit et discret  » pourrait résumer les moeurs de ces hommes originels.
Mais de cette « Chose » à la peau blanche étrangement vêtue, que vont-ils pouvoir en faire ? Bien que Gabriel ressemble à un être humain, ils ne sont pas certains qu'il en ait pour autant une âme. Cette Controverse de Valladollid inversée amuse autant qu'elle interroge, nous poussant dans les derniers retranchements de nos certitudes.
Un conte captivant et original, porté par une plume où affleure la poésie et spiritualité. Alors que le seul lien des Yacou est le bruit des bulldozers rasant leur précieux or vert, quel doit être le rapport entre l'homme et la nature animale ou végétale ? Une très belle réflexion sur la nature humaine.
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