Une de ces soirées étranges et solitaires, quand on quitte une vie qu'on a aimée pour en rejoindre une autre encore inconnue, déjà désirée, avec le flottement du doute sur le choix qu'on est en train de faire. (p. 57)
Pascal Quignard, dans - La Barque silencieuse-, écrit : "Montrer son dos à la société, s'interrompre de croire, se détourner de tout ce qui est regard, préférer lire à surveiller, protéger ceux qui ont disparu des survivants qui les dénigrent, secourir ce qui n'est pas visible, voilà les vertus. Les rares qui ont l'unique courage de fuir surgissent au coeur de la forêt. " (p. 83)
ô mon corps, me souffle Fanon depuis sa tombe de déraciné, de transfuge, de guerrier-silex, fais de moi toujours un homme qui interroge.
Les artistes me manquent. (p. 86)
On me confie spontanément désormais, comme une cooptation dans la grande famille de ceux qui ont vécu l'effondrement du monde connu, des drames que je savais parfois, mais dont on n'avait jamais vraiment parlé.
Souvent à les entendre, mes quelques morts me paraissent obscènes, dérisoires, grotesquement gonflés par l'émotion planétaire, instrumentalisés, médiatisés au-delà du rationnel. Je m'en excuserais presque, mais je ne résiste pas à sonder ceux qui ont traversés, jamais pareil, mais parfois pire drame que moi.
Je n'obtiens rien.
La couverture de Luz "Tout est pardonné", placardé partout dans Paris par les kiosquiers. L'envie de la déchirer puisqu'elle me déchire. Mais à force de la regarder, s'habituer. S'y raccrocher comme à un rayon de paix, d'espièglerie, d'enfance.