Contre rien

L'art contemporain possède, lui aussi, ses figures mythiques, des catalyseurs qui procédèrent à sa naissance. Piero Manzoni (1933-1963) est de celles-là. Italien, né près de Crémone, proche de Lucio Fontana (le pape du spatialisme), cet autodidacte a cultivé une proposition monochrome (les Achromes) et un art du comportement (de l'attitude, du happening, de l'ironie), sous l'influence de la cérébralité de Marcel Duchamp. Souvent, Piero Manzoni est rapproché de son contemporain, Yves Klein. Mais les deux artistes présentent des conceptions du monde et de l'art en totale opposition : Klein est le héraut de la couleur (IKB), Manzoni est un obsessionnel de la ligne. de plus, Manzoni présente une réelle fascination pour la matière (quelle qu'elle soit), tandis que Klein est dans un processus spirituel d'immatérialité.
Nous en trouvons les preuves dans cette compilation des très rares écrits de Manzoni (complétée par un entretien avec Ettore Sordini, un disciple de Lucio Fontana). Les illustrations en noir et blanc sont également des documents rares, tant les études sur cet artistes sont rares en français.
Pour Manzoni, l'art se justifie à l'aune du corps humain, des éléments et des produits organiques qui le composent, de la Terre sur lequel ce corps évolue. Manzoni se moque donc de ce concept de ‘pur esprit' auquel aspiraient bien des artistes des Sixties.
Par bien des aspects de son travail, de son attitude face à la Vie, de sa critique du marché de l'art, Manzoni annonce l'éclosion de l'Arte Povera (dans le nord de l'Italie) et, plus généralement, de l'art conceptuel.