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Critique de BlackKat


Que peut-il arriver de pire, pour notre monde hyper-connecté, aux ramures imbriquées dans les interdépendances informatiques, commerciales, économiques et politiques, au confort reposant sur des boutons on/off?

Un black out général!

Et l'apocalypse peut alors se déchaîner, de l'hébétude première en cascade d'incidents fatals.

Mais pourquoi le Black out ne touche-t-il que l'Europe? Est-ce réellement un regrettable accident? A-t-on affaire à des terroristes obscurs ou un pays agresseur? Et surtout, comment se sortir de cette situation?

Voici donc les bases de ce roman-catastrophe.

Nous avons tous connu, à un moment ou à un autre, une coupure de courant, plus ou moins brève: la panique de ne plus avoir son petit café dans la minute, de devoir tâtonner en aveugle pour trouver ces put.. de bougies, de grelotter de froid dans sa propre maison, d'avoir l'impression d'être seul au monde, perdu et désoeuvré parce que les écrans sont noirs et la tonalité se perd dans le néant.

Mais en animal social passif et optimiste, nous avons une telle confiance dans le système qu'on se contente de jouer avec les interrupteurs en attendant le miracle de la fée électricité.

Ce pourrait être un scénario tragi-comique en pensant à celui qui se gaussait hier du haut de son building en regardant les petites fourmis que sont les petites gens dans la rue et qui, aujourd'hui, doit se taper des dizaines d'étages pour mettre un pied dehors.

Mais il n'y a rien de comique quand le robinet ne déverse plus cette eau pompée et acheminée grâce à l'électricité, quand le traitement de ces mêmes eaux est au point mort; quand la chaîne de production, transport et conservation des aliments est bloquée, quand les soignants sont paralysés, quand le froid s'infiltre de partout, quand le carburant est là, sous nos pieds mais inaccessible. Quand les bourses se cassent la gueule, assassinant entreprises et banques. L'ensemble dépendant plus ou moins directement de l'électricité.

J'ai adoré ce roman qui replace l'homme et son choix de vie à son état fragile d'être humain dépendant de la technologie: c'est une bonne claque pour cette engeance arrogante dite « supérieure », vautrée dans le confort, le consumérisme, la facilité et le gaspillage.

Bien entendu, c'est avant tout un drame humain égrené au fil des pages, semé de morts et d'horreur. Mais ici, et spécialement dans la première partie de ce livre, l'auteur ne tombe pas dans le pathos des conséquences individuelles et humaines de l'absence de l'électricité, il met l'accent sur les dangers de l'interdépendance des systèmes informatiques et de communication, sur cette technologie créée par l'homme pour lui faciliter l'existence et qui, présentement, cause sa perte.

L'auteur a décroché le Prix du livre scientifique allemand, est sollicité par de nombreuses instances politiques, économiques et surtout industriels et a volontairement passé sous silence quelques détails qui auraient pu donner de très mauvaises idées à certains groupuscules terroristes. Mais sans parler de terroristes, l'auteur soulève également les desseins mortifères des états qui mènent une guerre larvée, à coups de cyber-attaques et de malwares dormants de plus en plus efficaces et destructeurs, s'appuyant sur des événements réels comme la découverte de ce virus informatique complexe et américain, Stuxnet, en 2010.

Le scénario de ce roman est certes une fiction dans les faits et l'époque mais là où il est effrayant, c'est qu'il n'a rien d'aberrant, délirant et impossible. Non, cela peut arriver aujourd'hui, dans nos centrales actuelles, nucléaires notamment, avec les organismes existants et la coopération internationale telle qu'elle apparaît de nos jours. le contrôle est détenu par une poignée d'individus qui tiennent nos destins dans leurs mains, ou plutôt dans leurs programmes. Un grain de sable et notre monde moderne s'écroule comme un château de cartes. C'est flippant, anxiogène au possible.

Cela fait peur. Nous ne contrôlons rien. Mais cela nous alerte surtout dans la nécessité de revoir les protocoles de sécurité et d'anticiper les conséquences de notre hyper-dépendance à l'énergie. de remettre en question nos modes de vie.

La première partie est quelque peu prioritairement technique. Malgré la volonté de l'auteur de vulgariser un thème riche, dense et compliqué, les explications de notre système énergétique européen et l'intervention des organisations de différents pays au travers de personnages nombreux peut en rebuter certains qui ne recherchent qu'une lecture récréative.

Personnellement, j'affectionne particulièrement d'enrichir mon neurone tout en le distrayant. Donc je me suis régalée, même si je me suis perdue quelques fois dans la multitude des lieux et des protagonistes!

La seconde partie du roman est beaucoup plus vivante autour des personnages, qui ne sont pas que des professionnels, qui ont une vie, des besoins, une famille à protéger, à nourrir, à soigner.

Il serait trop long de détailler chacun des acteurs plus ou moins involontaires de cette catastrophe mais l'auteur a su tisser une toile de caractères fouillés et attachants, nous dévoiler un panel assez large de ceux qui nous gouvernent ou ceux qui vivent à nos côtés pour aborder humainement ce sujet grave et tellement actuel.

Je retiendrai bien entendu l'Italien, Manzano, ce simple hacker qui lève le voile sur les incidents techniques européens, soupçonné même d'en être à l'origine, se retrouve balloté entre divers organismes et pays et va, vaille que vaille, remonter la piste des codes informatiques.

Les aspects humains dépeignent l'ampleur de cette catastrophe, de manière pudique, à mon sens, sans trop verser dans le sensationnalisme. L'homme se retrouvé dénudé de ses apparats sociaux pour se retrouver face à lui-même dans une forme d'égalité dans la nécessité de survivre. Bien entendu, ce ne sont pas les aspects les plus bienveillants de l'être humain qui ressortent: le chacun pour soi domine, comme une meute d'animaux se battant pour un os à ronger. Mais ce n'est qu'une réalité intrinsèque enfouie sous les couches culturelles qui existe en chacun de nous, non?

Tout est question d'équilibre dans la Nature… et l'homme n'y échappe pas: la technologie au service du bien a son pendant dans le côté obscur. C'est ainsi mais sommes-nous prêts à en accepter les risques? Question stupide, notre société y est déjà plongée jusqu'au cou. Mais peut-on encore en sortir, faire marche arrière sans pour autant régresser, et sécuriser notre avenir? Et surtout, est-ce souhaitable?

Lisez. Appréciez. Méditez.

A moins que vous ne soyez dans le noir total…
Lien : http://livrenvieblackkatsblo..
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