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Critique de Patoux16


"Ils ne sont pas partis la fleur au fusil"
Ils sont partis nombreux
Ils sont revenus très peu, si peu
Les morts officiels, les disparus, les estropiés
Ils sont les condamnés
Ils sont les sacrifiés
De cette guerre infâme
Y ont laissé leur âme
C'était la grande guerre
La der des ders
L'enfer sur terre.

Tout a été dit, écrit, chanté !
Le soldat désaccordé de Gilles Marchand, c'est une autre façon de conter. L'auteur donne la parole aux souvenirs enfouis, révélés, tus, à toutes ces vies cassées, ces hommes et ces femmes marqués par cette période.
Il nous donne à écouter leurs histoires, dans la grande Histoire, nous révèle des bouts de mémoire, des bouts de vie, des bouts d'humanité.
Ils racontent, ces rescapés, gênés, ils refont le chemin, envahis par la honte d'être simplement vivants, se taisent et puis déversent ces histoires qu'ils n'en peuvent plus de garder pour eux.
L'écriture est juste remarquable, j'ai aimé ce style poétique et imagé, le rythme, ses mots dosés : ne pas en faire trop, cette pudeur dédiée à leur dignité !
L'auteur parle au delà de l'horreur indicible, des souffrances du coeur, de l'âme, de ce qu'ils ont vécu, du vide, du manque à en crever, du trop à en pleurer.
Il sait, lorsque le coeur est au bord des larmes, amener un sourire ému, attendri par une anecdote, par son humour tendre et sa plume légère.

Le narrateur, un combattant entré dans cette guerre et ressorti assez vite, une main en moins.
C'en est fini de sa participation aux combats, il lui reste la culpabilité face à ses compagnons, ses frères qui sont toujours au front.
La mort rode, ils la frôlent, la redoutent, l'apprivoisent, l'évitent, elle ne les quitte pas : Elle est leur compagne du jour et de la nuit.
Rester vivant c'est un accident !
Il veut être utile, lui l'infirme besogneux, alors il prend diverses missions, chauffeur, cantinier ...Il aide, il reste à leurs côtés.
Après guerre, il devient enquêteur, oeuvre pour la réhabilitation des "fusillés pour l'exemple" refus d'obéissance.
Ces fusillés par leur propre camp : un cruel exemple de la folie des hommes.
D'autres "vont goûter du voltage" : la perversion de certains médecins.
Ils tuent des innocents, rien que des innocents !

Notre enquêteur va s'investir dans l'histoire d'Emile et Lucie, cet amour incroyable, magnifique, entier.
Emile combattant "il parle comme un poète, il est beau comme un prince" et Lucie alsacienne, ennemie des allemands : L'Alsace et la lorraine restées allemandes depuis quarante ans et qu'il faut libérer .
Leur amour, à peine dévoilé, juste effleuré, ne les quittera jamais. Ils seront séparés par la guerre avant que d'avoir pu le vivre.
Emile écrit des milliers de poèmes, les dissémine dans les tranchées.
Lucie va courir toute la France pour le retrouver.
Le narrateur, enquêteur, nourri son obsession pour cette folle histoire d'amour. Car cette histoire s'entremêle à la sienne. Elle redonne vie à son amour pour Anna.
Anna sa femme, son amour, qu'il tarde à retrouver :
Quatre années à avoir peur de revenir, peur d'affronter le monde, la tête trop pleine d'horreurs.
Ces combattants, tels des rats dans la boue, le froid, la peur, rêvent à la "fille de la lune" réelle ou un mythe comme un "besoin d'ensevelir leurs mauvais souvenirs derrière du merveilleux ! "
J'ai aussi aimé retrouvé dans ce récit les indiens d'Amérique, les indiens du "chemin des âmes".
On a utilisé leur savoir, leurs précisions de tireurs, eux qui n'étaient même pas considérés comme des citoyens à part entière.
Ce sera pour moi une lecture inoubliable, bouleversante
accompagnée du chant poétique de l'accordéoniste aveugle ....

« On voulait des lions, on a eu des rats.
On voulait le sable, on a eu la boue.
On voulait le paradis, on a eu l'enfer.
On voulait l'amour, on a eu la mort.
Il ne restait qu'un accordéon. Désaccordé. Et lui aussi va nous quitter. »

Merci à Judith, Jérome pour ce "conseil de lecture"
Un merveilleux cadeau pour moi !





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