AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,27

sur 1319 notes
5
195 avis
4
104 avis
3
19 avis
2
7 avis
1
0 avis
Dans les années 1920, un ancien combattant français rentré manchot de la guerre s'est donné pour mission de rechercher les soldats dont on a perdu la trace durant la « der des ders ». Parmi les enquêtes qui lui tiennent particulièrement à coeur, il y a celle que lui a confié une certaine Mme Joplain : retrouver son fils Émile, qui n'est jamais revenu de la guerre…

Le narrateur de ce roman livré à la première personne est un poilu dont on ignore le nom, qui, après avoir perdu quatre années de sa vie, sa main gauche et de nombreux compagnons d'armes dans l'enfer de 14-18, nous ramène sur le champ de bataille, à la recherche de pistes permettant de retrouver les nombreux disparus de la guerre. Une recherche de témoignages qui nous ramène dans les tranchées, entouré de corps mutilés, de sang, de boue et d'explosions…un massacre dont certains sont revenus, mais jamais indemnes… hantés à jamais par l'horreur de la première guerre mondiale.

Heureusement, au milieu de cette boucherie sans nom, l'enquêteur découvre qu'Émile Joplain était un poète qui écrivait chaque jour à sa bien-aimée, une paysanne alsacienne qu'il avait juré d'épouser après la guerre. Cette magnifique histoire d'amour, aussi grande que la guerre qui la dévore, apporte un brin de lumière au coeur des ténèbres… à l'image de cette « Fille de la Lune », apparition onirique, venue réconforter les soldats tombés dans le « no man's land »… un peu de poésie dans ce monde de brutes !

Celui qui parvient à distiller cette beauté au coeur de l'horreur, d'une plume poétique et délicate, parsemant son récit de personnages attachants aux noms particulièrement musicaux, se nomme Gilles Marchand. Un auteur lourdement armé de mots qui font toujours mouche, rendant hommage à cette génération sacrifiée sur l'autel de la guerre, tout en invitant à réfléchir sur certaines aberrations de ce conflit, dont le sort des alsaciens…
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
Commenter  J’apprécie          1709
Ma mémoire de la première guerre mondiale est fabriquée en partie par « La vie et rien d'autre », film de Bertrand Tavernier multi nominé en 1990, et par « Les nouveaux Oberlé » roman de René Bazin paru en 1919.

L'écrivain a consacré plusieurs ouvrages au drame de l'Alsace-Lorraine (Les Oberlé en 1901, Les nouveaux Oberlé en 1919, Baltus le Lorrain en 1926) et aux amitiés et amours que les familles conservaient de part et d'autre d'une frontière déplacée au fil des traités.

Le cinéaste a réalisé son chef d'oeuvre en se penchant sur les disparus, sur « le soldat inconnu », sur la quête des familles souhaitant au moins donner une sépulture à leurs enfants morts pour la France.

Gilles Marchand fusionne les deux drames en confiant à un soldat inconnu (manchot dont l'épouse Anna a péri de la grippe espagnole) la mission de retrouver Emile Joplain disparu en 1917 sur le front de Vimy.

L'enquête révèle qu'Emile, héritier d'une dynastie bourgeoise, s'est amouraché dès 1907 de Lucie, gracieuse alsacienne, fille sans dot des Hamel, modestes employés de maison. Union doublement impossible entre un français et une allemande, entre « un beau parti » et une « moins que rien » … Madame Joplain mère veillait à ce que son fils oublie Lucie. La guerre devait séparer Emile et Lucie.

Gilles Marchand glisse ses acteurs dans les espaces laissés libres par Henri Barbusse, René Benjamin, Roland Dorgelès, Maurice Genevois, Jean Giono et donne corps à la légendaire « fille de la lune » en écoutant le poilus et les gueules cassées raconter leurs campagnes et leurs souffrances, à Verdun ou à Vimy aux cotés des canadiens et des « indiens ».

Le soldat désaccordé est un bouleversant récit, écrit avec le sang des poilus, entre les deux guerres, dans un contexte où nombreux étaient ceux qui croyaient à la « der des der », alors que le nazisme grandissait.

J'apprécie beaucoup ce roman et, parvenu à son terme, je pense aux ukrainiens où des familles sont partagées entre leurs racines russes et ukrainiennes et où des Emile et des Lucie disparaissent quotidiennement. Eternelle tragédie de l'histoire …
Commenter  J’apprécie          1210
Un roman remarquable qui a sous de fond la première guerre mondiale, qui devait être "La der des der". Un ancien soldat, victime dés les premiers jours de son enroulement, d'une blessure qui entraînera l' amputation de sa main, il est invalide et démobilisé, une dure sentence pour lui. Il essaye, tant bien que mal, à s'accrocher aux branches, pour pouvoir servir son pays, La France. Cela ne sera pas suffisant mentalement pour lui, Il décide de rentrer chez lui, se marie avec l'amour de sa vie ,Anne, un amour intense, fusionnelle, un espoir pour retrouver confiance en lui , de lui donner l'espoir de continuer d'une façon positive. Un jour, une femme vient le contacter , pour rechercher son fils, Émile Joplain, Elle est persuadé que ce dernier n'est pas mort, mais pourquoi ce silence. Il se lance dans cette quête, et va découvrir au fur et à mesure, que la disparition d'Émile prend à notre sens. Il découvre une véritable histoire d'amour. Un amour désapprouvé par cette mère, cette jeune fille , Lucie, est issue d'un milieu modeste, et une telle union est inconcevable. Une sensation que le narrateur s'identifie à Émile, par rapport à son vécu, Il se donnera coeur et âme, à ses recherches. Une affaire qui va perdurer pendant plusieurs années, Arrivera t'il à résoudre cette énigme? Arrivera t'il à panser ses propres maux? L'auteur nous embarque sans aucune difficulté dans ce récit, une sensation d'être acteur et non lecteur, une adaptation cinématographique pourrait être envisageable, tel "Au revoir la haut" de Pierre Lemaître . L'auteur use d'une plume percutante, visuelle, entraînant une lecture addictive et captivante, malgré cette période horrifique.
Commenter  J’apprécie          1064
La grande guerre. le grand amour.
Après « Requiem pour une apache », Gilles Marchand change de tribu et d'époque. Son personnage central est un ancien soldat quasi inconnu. Pas de nom, pas de prénom. Sur le champ de bataille, il a perdu une main et il y a aussi laissé une bonne partie de son âme. Il aurait pu rentrer chez lui auprès de sa belle mais il était resté avec es camarades, chargé du transport des troupes et des blessés. La peur de retrouver le cours d'une vie qui ne pouvait plus être normale.
A l'armistice, la grippe espagnole a pris le relais de la guerre pour donner un coup de main à la grande faucheuse. La seconde couche de l'horreur. le destin a de la suite dans les idées quand il s'agit de pourrir la vie des innocents.
L'ancien combattant ne s'en est jamais remis et dans les années 20, il jette toutes ses forces dans la recherche de soldats disparus. le décor du roman est planté sur le squelette des tranchées.
Une affaire en particulier va hanter ce détective de la mémoire et retrouver la trace du soldat Joplain va devenir pendant plusieurs années une obsession. Pourquoi ? Parce qu'elle va faire écho à ses regrets. Il apprend que Lucie, la fiancée de Joplain était montée au front pour retrouver son poète, n'hésitant pas à parcourir les tranchées, interroger les blessés, nettoyer les visages des cadavres pour retrouver son homme.
Dans l'horreur de la guerre, cet amour absolu va alimenter un mythe que l'ancien soldat va suivre, interrogeant tous ceux qui ont croisé Joplain ou sa fiancée pour savoir si les deux amants ont pu se retrouver.
Jeu de piste sur des champs de ruines, visite guidée de l'enfer, l'homme s'accroche à cette folle histoire d'amour pour fuir une époque qui n'est plus la sienne et les bruits de pas cadencés qui annoncent un nouveau conflit. La der des der qui ne sera pas la der.
J'ai beaucoup aimé la première moitié du roman, qui installe merveilleusement le récit et les personnages. La quête des disparus est propice au romanesque et l'auteur offre un hommage appuyé aux victimes de guerre, qu'ils soient soldat ou civils. Gilles Marchand ne manque pas de style et certaines formules font vraiment mouche.
Hélas, j'ai été déçu par un dénouement qui ressemble à une pirouette, le récit passe de la crudité des batailles à un romantisme un peu trop ésotérique. Un peu de poésie dans un monde de brutes ne fait pas de mal mais elle m'a éloigné des personnages. Un joli rendez-vous qui se termine par un dernier verre… de Champomy.
C'est d'autant plus dommage qu'on sent l'auteur habité par son sujet et soucieux de retranscrire au mieux les traumatismes visibles et invisibles de la guerre. Il a créé également de beaux personnages secondaires et singuliers qui ne font pas de la figuration. Un très bel hommage à ceux qui restent.
En fait, je crois surtout que ce roman est trop court. Sans demander la densité de « ceux de 14 » de Maurice Genevoix, l'époque, l'histoire, cette enquête qui s'étale sur plus de dix ans et des personnages attachants méritaient plus de deux cent pages avec une police d'écriture bien grassouillette qui préservera la dioptrie des bigleux. Même le rythme du roman semble couper dans son élan.
La dernière impression n'est pas toujours la meilleure.
Commenter  J’apprécie          1015
Comme bon nombre de ses compagnons de galère, il n'est pas parti la fleur au fusil, loin s'en faut... Mais contrairement à d'autres, qui auront passé de longues années au front ou qui n'en seront jamais revenus, sa participation au combat a coupé court dès l'automne 1914, avec la perte de sa main. Pour autant, voulant se rendre utile auprès de ses camarades, il ne rentre pas chez lui, où l'attend sa chère Anna, mais se rend, d'un bout à l'autre de la France, là où l'on a besoin d'un chauffeur ou d'un cantinier... La guerre finie, il se donne pour mission de retrouver ceux dont on a perdu la trace. Un cas va particulièrement attirer son attention : celui d'Émile Joplain. Un matin de 1925, il rencontre sa mère, Jeanne, qui dit ne plus avoir de nouvelles de lui depuis sa dernière lettre en 1916. Pour autant, elle est certaine qu'il n'est pas mort. En acceptant de travailler pour elle, il ne sait pas encore que cette affaire va l'occuper pendant plus de 10 ans...

Drôle de boulot que celui d'enquêteur qu'exerce le narrateur, dont on ne connaît pas le nom. Peut-être parce qu'il n'arrive pas à tourner la page de cette maudite guerre, peut-être parce qu'il espère un semblant de justice, après tant d'injustice, il essaie, tant bien que mal, de retrouver les soldats disparus. Dont Émile Joplain, jeune homme qui n'aura de cesse d'écrire des poèmes, amoureux de la belle Lucie à qui il a promis l'union. Si Jeanne Joplain réfute cette amourette avec cette Alsacienne, notre enquêteur va pourtant se mettre en tête de la retrouver elle aussi. À force de kilomètres parcourus, de récits et confidences recueillis, de ténacité, se dessine peu à peu les destins de ces deux amoureux séparés par la guerre. Si La Fille de la Lune se pare de mystères, si Lucie s'arme de courage, si Émile sème ses poèmes, Gilles Marchand, lui, raconte, avec beaucoup d'émotions et de tendresse, les poilus, la boue, la guerre, la folie meurtrière mais aussi l'amour, l'espoir, l'étincelle de la vie. À la fois grave et léger, bouleversant et parfois drôle, ce roman nous émeut, nous transporte, sur fond d'accordéon et de poésie, et nous fait croire en cette incroyable force de l'amour qui permet de mener tous les combats et qui lie, malgré les épreuves, les hommes et les femmes.
Poignant et terriblement humain...
Commenter  J’apprécie          957
"Ils ne sont pas partis la fleur au fusil"
Ils sont partis nombreux
Ils sont revenus très peu, si peu
Les morts officiels, les disparus, les estropiés
Ils sont les condamnés
Ils sont les sacrifiés
De cette guerre infâme
Y ont laissé leur âme
C'était la grande guerre
La der des ders
L'enfer sur terre.

Tout a été dit, écrit, chanté !
Le soldat désaccordé de Gilles Marchand, c'est une autre façon de conter. L'auteur donne la parole aux souvenirs enfouis, révélés, tus, à toutes ces vies cassées, ces hommes et ces femmes marqués par cette période.
Il nous donne à écouter leurs histoires, dans la grande Histoire, nous révèle des bouts de mémoire, des bouts de vie, des bouts d'humanité.
Ils racontent, ces rescapés, gênés, ils refont le chemin, envahis par la honte d'être simplement vivants, se taisent et puis déversent ces histoires qu'ils n'en peuvent plus de garder pour eux.
L'écriture est juste remarquable, j'ai aimé ce style poétique et imagé, le rythme, ses mots dosés : ne pas en faire trop, cette pudeur dédiée à leur dignité !
L'auteur parle au delà de l'horreur indicible, des souffrances du coeur, de l'âme, de ce qu'ils ont vécu, du vide, du manque à en crever, du trop à en pleurer.
Il sait, lorsque le coeur est au bord des larmes, amener un sourire ému, attendri par une anecdote, par son humour tendre et sa plume légère.

Le narrateur, un combattant entré dans cette guerre et ressorti assez vite, une main en moins.
C'en est fini de sa participation aux combats, il lui reste la culpabilité face à ses compagnons, ses frères qui sont toujours au front.
La mort rode, ils la frôlent, la redoutent, l'apprivoisent, l'évitent, elle ne les quitte pas : Elle est leur compagne du jour et de la nuit.
Rester vivant c'est un accident !
Il veut être utile, lui l'infirme besogneux, alors il prend diverses missions, chauffeur, cantinier ...Il aide, il reste à leurs côtés.
Après guerre, il devient enquêteur, oeuvre pour la réhabilitation des "fusillés pour l'exemple" refus d'obéissance.
Ces fusillés par leur propre camp : un cruel exemple de la folie des hommes.
D'autres "vont goûter du voltage" : la perversion de certains médecins.
Ils tuent des innocents, rien que des innocents !

Notre enquêteur va s'investir dans l'histoire d'Emile et Lucie, cet amour incroyable, magnifique, entier.
Emile combattant "il parle comme un poète, il est beau comme un prince" et Lucie alsacienne, ennemie des allemands : L'Alsace et la lorraine restées allemandes depuis quarante ans et qu'il faut libérer .
Leur amour, à peine dévoilé, juste effleuré, ne les quittera jamais. Ils seront séparés par la guerre avant que d'avoir pu le vivre.
Emile écrit des milliers de poèmes, les dissémine dans les tranchées.
Lucie va courir toute la France pour le retrouver.
Le narrateur, enquêteur, nourri son obsession pour cette folle histoire d'amour. Car cette histoire s'entremêle à la sienne. Elle redonne vie à son amour pour Anna.
Anna sa femme, son amour, qu'il tarde à retrouver :
Quatre années à avoir peur de revenir, peur d'affronter le monde, la tête trop pleine d'horreurs.
Ces combattants, tels des rats dans la boue, le froid, la peur, rêvent à la "fille de la lune" réelle ou un mythe comme un "besoin d'ensevelir leurs mauvais souvenirs derrière du merveilleux ! "
J'ai aussi aimé retrouvé dans ce récit les indiens d'Amérique, les indiens du "chemin des âmes".
On a utilisé leur savoir, leurs précisions de tireurs, eux qui n'étaient même pas considérés comme des citoyens à part entière.
Ce sera pour moi une lecture inoubliable, bouleversante
accompagnée du chant poétique de l'accordéoniste aveugle ....

« On voulait des lions, on a eu des rats.
On voulait le sable, on a eu la boue.
On voulait le paradis, on a eu l'enfer.
On voulait l'amour, on a eu la mort.
Il ne restait qu'un accordéon. Désaccordé. Et lui aussi va nous quitter. »

Merci à Judith, Jérome pour ce "conseil de lecture"
Un merveilleux cadeau pour moi !





Commenter  J’apprécie          9057
Il a été soldat en 1914. Comme beaucoup, il pensait partir pour quelques semaines, et même s'il y laisse rapidement sa main gauche, il passera toute la guerre près du front, à conduire des camions, transporter matériel et blessés. Pour soutenir les combattants, par peur surtout d'affronter sa vie ancienne avec une main en moins, et dans cette vie, surtout Anna.

On le suit dans les années 20. Il est devenu enquêteur pour des familles, rêvant encore de retrouver un fils, un mari, un amour... On comprendra au fil de ses souvenirs évoqués en parallèle la raison de ce choix. Il va peu à peu consacrer tout son temps à la recherche d'un homme, beau comme un prince, poète et de sa fiancée. Elle était alsacienne, c'est-à-dire allemande au début de la guerre. Il était riche, elle était pauvre. Il va lui écrire, elle va le chercher partout sur le front, devenant la Fille de la lune.

Un roman âpre, qui revient sur les absurdités, les atrocités de cette guerre, qui devait être la « der des ders », qui pointe aussi les erreurs qui vont être à l'origine de la suivante. Il raconte la difficulté éprouvée par beaucoup de ces hommes à retrouver leur vie, à oublier les images horribles. Mais sans pathos inutile, avec une sobriété dans les mots qui rend supportable ce qu'il décrit.

Un roman aux personnages bien campés, attachants pour la plupart, horribles dans certains cas. Un roman dont la force réside dans la mise en place, dans ce personnage d'ancien soldat qui ne parvient pas à oublier et que moi je n'oublierai pas, et qui essaie par cette longue quête liée à une histoire d'amour exceptionnelle d'oublier les naufrages de sa vie. Mais un roman qui aurait mérité d'être un peu plus long et d'éviter ainsi une fin un peu rapide, à mon gout.

Merci à NetGalley et aux éditions Aux forges de Vulcain pour ce partage #LeSoldatdésaccordépremièreguerremondialeguerremondialegillesmarchandlittératurefrançaiselittératureromanforgesduvulcain #NetGalleyFrance
Commenter  J’apprécie          7030
« On voulait des lions, on a eu des rats.
On voulait le sable, on a eu la boue.
On voulait le paradis, on a eu l'enfer.
On voulait l'amour, on a eu la mort.
Il ne restait qu'un accordéon. Désaccordé. Et lui aussi va nous quitter.» (p 204)

Lucie et Émile sont de jeunes amoureux éperdus. Lui beau comme un prince (selon sa Lucie), poète, doit se faire soldat pendant la guerre de 14-18, il n'a pas vraiment le choix. Il doit quitter sa belle, promis, il sera vite de retour.
Problème, Émile ne rentrera jamais dans la maison familiale. Qu'est-il devenu ? Sa mère, la riche veuve Joplain, est persuadée qu'il n'est pas mort et va embaucher notre narrateur pour le retrouver.
Le narrateur anonyme est lui-même un ancien poilu, il a donné beaucoup à la grande guerre, une main, quatre ans de sa vie, quatre années d'amour perdues avec Anna, sa fiancée.
Notre ancien combattant survit en recherchant les disparus à la demande de leurs familles, c'est son gagne-pain. Ce qu'il n'avait pas vraiment pas anticipé, c'est qu'il allait consacrer plus de dix ans de sa vie à l'histoire d'Émile Joplain. Car l'histoire de ces amoureux fous, si belle, si tragique, il a envie d'y croire, y croire pour ne pas oublier sa propre histoire, son amoureuse, Anna.
Le narrateur nous raconte ses années d'entre-deux guerres, lui à qui la guerre a confisqué son avenir, et cette foutue guerre de revenir sans cesse dans sa vie, lancinante, sans cesse collée à lui.
« J'ai pris un train et j'ai marché jusqu'à un joli petit village qui venait d'inaugurer un joli monument aux jolis morts de la jolie guerre. Il en fleurissait partout. C'était à qui aurait le plus beau, le plus grand, celui avec le plus de noms. J'avais même entendu des histoires de villages qui se battaient pour savoir à qui appartenaient les morts. Des paysans qui avaient habité entre deux communes et qui étaient devenus importants grâce à leur dépouille patriote. (p.24) »

Des pensées toutes simples, assez naïves, et touchantes de celui qui s'est dévoué corps et âme à la Patrie, et qui réalise bien trop tard la supercherie avec amertume.
« Si on avait su qu'un boche c'était rien qu'un Français qui parle allemand, on aurait eu du mal à continuer à leur tirer dessus. (p.38) »
« Des blessés, c'était pas ce qui manquait, il y en avait partout. C'est même ce qu'on faisait de mieux à l'époque : les estropiés et les morts. (p. 75) »

La poésie et l'imaginaire sont également au rendez-vous avec la mystérieuse histoire de la Fille de la lune. « La Fille de la lune, c'est comme ça que j'en avais entendu parler : « Y avait plus de fleurs, alors elle faisait des bouquets d'obus. » (p.13)

Gilles Marchand livre un court roman pas forcément très original, mais très agréable à lire, grâce à une plume fluide, pleine d'ironie et d'anecdotes sur la vie de l'époque (j'ai ainsi appris que des Iroquois avaient servi dans l'armée canadienne dans les tranchées en France.)
« Aucune enquête n'avait jusque-là exigé que je travaille avec les Allemands. Pour tout dire, je ne les portais toujours pas dans mon coeur. Par habitude. Parce que j'avais grandi dans la haine du Boche, comme tout le monde. Parce qu'ils m'avaient pris une main à laquelle j'étais jusque-là très attaché. (p. 163) »

« Il s'était présenté comme le meilleur ami de Joplain. Des meilleurs amis dans l'armée, il y en avait un paquet. Ça ne voulait plus dire grand-chose, le meilleur. le meilleur ami mourait, on en trouvait un autre, fallait bien un peu d'amitié quand on était privé d'amour. » (p.38 39)


Une lecture qui m'a donné envie de poursuivre la découverte de cet auteur, j'ai pris un grand plaisir à noter plein de passages, alors je ne résiste pas à l'envie d'en partager encore quelques-uns :
« Ils n'acquiesçaient pas, ne fronçaient pas les sourcils, étaient semblables à deux statues de sel. Les mains posées à plat sur la table. J'arrivai à la fin de mon histoire sans être certain qu'ils me comprenaient. Depuis mon arrivée, ils avaient à peine prononcé deux mots. Alors que le silence commençait à peser lourdement, risquant de faire écrouler sous son poids la petite table de la salle à manger, Madame Himmel le prit entre ses mains et le rompit […] » (p.96)

On se racontait nos amours. Ceux qu'en avaient pas inventaient. Ceux qu'en avaient plus se souvenaient. Ceux qu'avaient pas été gâtés embellissaient. Ça sert à ça, les histoires, à rendre la vie meilleure. On avait les pieds lourds, alors on s'interdisait d'avoir le coeur trop lourd. On ne pouvait pas ajouter les larmes à la pluie, on aurait coulé. Et il fallait avancer. On remettait nos havresacs qu'on remplissait d'histoires d'amour d'un peu tout le monde, ça resservirait toujours. L'amour, ça se partage bien, t'en prends un bout, il en reste autant à celui qui t'a raconté l'histoire. C'était facile d'être généreux. (p.111)
Commenter  J’apprécie          690
J'ai eu la chance de rencontrer Gilles Marchand dans une petite librairie du 7ième arrondissement de Paris : La Nouvelle page.
Et, quelle rencontre, Gilles Marchand est un homme très touchant d'une grande simplicité.Il nous a lu quelques pages de son roman et expliqué le pourquoi de l'écriture de ce roman.
Immédiatement, j'ai été conquise et pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce récit.
Un homme qui survit à la première guerre mondiale néanmoins amputé d'une main va devenir enquêteur sur les morts et disparus de la "der des der".
L'une de ses enquêtes l'amène à chercher la trace d'un dénommé Joplain.
Gilles Marchand possède une écriture poétique qui va mener son héros à retrouver l'amour, l'âme soeur, la fille de la lune de ce soldat Joplain.
On se laisse porter par cette histoire qui mêle la petite histoire à la grande.
Comme le dit Gilles Marchand, ce livre est dédié aux victimes de la guerre.De toutes les guerres.
Je suis tenté de rajouter aussi à l'amour qui a fait vivre et fait dépasser les forces humaines pour tous ces soldats.
Comme le dit, le poème ou la chanson,l'amour ne meurt jamais.
Commenter  J’apprécie          666
Les tranchées, il n'aura guère la malchance d'y passer quatre ans d'horreur, à condition de survivre. Non, rapidement, il est privé d'une main, la guerre est finie pour lui. du moins celle qui détruit les corps et les âmes. Il y participe cependant, à l'arrière, se nourrissant malgré tout de l'illusion de servir son pays.

Quand l'armistice est signé, il faut s'adapter à la vie civile, malgré le handicap. Il se consacre à des missions de recherche, tant le carnage a brouillé les cartes et laissé le doute sur le devenir des soldats disparus.

Le soldat Joplain manque à l'appel. Sa mère est persuadée qu'il est vivant, comme le sont très souvent les proches, qui ne peuvent accepter le verdict fatal. le soldat était un poète amoureux d'une jeune fille humble. Si certains s'en souviennent, l'affaire est délicate. D'autant que la mère souhaite que cette piste soit ignorée.

Comment transformer un récit de guerre en un conte pétri de poésie, et doublé d'une enquête quasi policière ? C'est toute la magie du pouvoir des mots maniés par Gilles Marchand. Et pourtant la guerre est là, évoquée sans voile dans toute son horreur. Mais sur le terrain, la fille de la lune tend une main éthérée aux poilus agonisants.

La langue est inventive, riche et travaillée :

« En 1925, la France fêtait sa victoire depuis sept ans. Ça swinguait, ça électroménageait, ça jazzait, ça cinématographiait, ça mistinguait. L'Art déco flamboyait, Paris s'amusait et s'insouciait. Coco Chanélait, André Bretonnait, Maurice Chevaliait. »

Une vraie réussite pour ce court roman, dans lequel on retrouve le style Gilles Marchand, pour un grand bonheur de lecture .

207 pages Forges de Vulcain 19 Août 2022

Lien : https://kittylamouette.blogs..
Commenter  J’apprécie          642





Lecteurs (2572) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Amants de la Littérature

Grâce à Shakespeare, ils sont certainement les plus célèbres, les plus appréciés et les plus ancrés dans les mémoires depuis des siècles...

Hercule Poirot & Miss Marple
Pyrame & Thisbé
Roméo & Juliette
Sherlock Holmes & John Watson

10 questions
5284 lecteurs ont répondu
Thèmes : amants , amour , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..