L'histoire littéraire n'a pas rendu justice à ce très beau roman féministe que l'on a qualifié de roman sulfureux, scandaleux, propre à pervertir les jeunes filles de France.
Il est vrai que
Victor Marguerite, son auteur, l'a publié en 1922. Il s'agit avant tout, pour V. M. de défendre l'émancipation des femmes en la personne de son personnage principal Monique Lerbier, de défendre l'indépendance économique des femmes grâce à la réussite professionnelle de Monique Lerbier, de défendre l'égalité sexuelle homme femme, grâce à la liberté sexuelle de Monique Lerbier.
L'auteur a dénoncé au passage, l'hypocrisie des moeurs bourgeoises de l'époque ; sa thèse qui a eu un grand retentissement, ne pouvait qu'être rejetée par la gent masculine qui voyait, en la jeune fille de bonne éducation, à la virginité sacrée, uniquement une matrice destinée à perpétuer leur idéal familial tandis que les autres, cocottes, putains, artistes libres, femmes entretenues, devaient servir les plaisirs de ces messieurs dans les maisons closes ou dans les garçonnières.
C'est donc tout cela que dénonce l'auteur en faisant de Monique Lerbier une révoltée qui a choisi de vivre comme les hommes, revendiquant des comportements masculins, multipliant les aventures sexuelles et goûtant à tous les plaisirs, y compris à l'opium, tout en menant de main de maître son entreprise de décoration vers les sommets et la fortune sans rien devoir à un homme.
Est-on certain en définitive que l'auteur a réussi complètement son plaidoyer pour la liberté des femmes et leur égalité avec les hommes ?
Car Monique est devenue garçonne, non par choix initial mais par dépit amoureux ; son comportement qui a scandalisé son milieu d'origine s'apparente à une sorte de vengeance vis-à-vis de ce milieu hypocrite que, depuis toujours, elle a rejeté.
Et puis, vers la fin du roman, alors qu'elle aurait pu assumer totalement ses choix de vie, la voilà qui s'interroge sur le fait de savoir si, à cause de son passé, elle est digne du nouvel amour qui se présente à elle après tant de déconvenues et de souffrances ! Si cette vie ancienne qu'elle regrette d'une certaine façon ne risque pas de "salir" l'amour que Blanchet lui offre avec le plus grand désintéressement, ne se reconnaissant aucun droit de juger ce passé qu'il connaît parfaitement.
Avec lui, c'est la rédemption qui s'offre à Monique, et le mariage aussi... Au fond V. Marguerite est revenu, grâce à l'amour, à l'idée classique, bourgeoise peut-être, intemporelle, sans doute, du mariage et de la famille.
Ce roman était trop en avance sur son temps. Qui peut sérieusement le qualifier aujourd'hui de sulfureux ou de pornographique ? Cela n'a aucun sens ! Les femmes de notre temps ont encore, comme Monique Lerbier, de nombreux combats à livrer pour leur liberté, l'égalité avec les hommes, LE RESPECT !
Pat.