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Critique de PetiteRenardeRusee


La tragédie "Doctor Faustus" de l'Anglais Christopher Marlowe, composée en 1593, constitue la première grande oeuvre littéraire qui a pour sujet Faust. Elle est néanmoins précédée du "Volksbuch", texte allemand de 1587, premier Faust écrit, que Marlowe lira dans sa traduction anglaise de 1592.
Il ne semble pas nécessaire de revenir sur la personnalité dissidente de Christopher Marlowe ni sur les circonstances de sa fin tragique, qui ont déjà été décrites ici, si ce n'est pour préciser que les héros de ses tragédies sont comme lui des rebelles qui connaissent des morts atroces.
Marlowe partage avec Faust son intellectualisme et son caractère d'homme d'action dissident, turbulent, voire violent, dont l'exemple invite de manière détournée à sortir des sentiers battus. Ils ont également en commun une mort épouvantable, Marlowe étant mort assassiné dans des circonstances troubles et Faust finissant démembré par ses disciples.
Ainsi chez Marlowe se trouve le premier exemple d'une véritable identification de l'écrivain à Faust, qui est commune à tous les auteurs qui s'emparent de la légende. Car la figure du savant Faust est la source de toute une interrogation sur la condition humaine, depuis les premiers textes écrits jusqu'aux réécritures contemporaines. Ici nous avons un exemple doublement intéressant : en plus de l'identification de l'auteur au personnage, la vie intellectuelle de Marlowe et sa fin horrible coïncident étrangement avec le parcours de Faust lui-même.
Faust, terriblement avide de savoir, vend son âme au diable pour obtenir les faveurs d'un démon à son service. Ici nous avons pour la première fois le monologue constitutif de Faust, qui sera repris dans tous les « Faust » ultérieurs. Puis l'invocation à Méphistophélès suivie du pacte. Ensuite diverses péripéties où Faust assiste à la parade des sept péchés capitaux, sème le trouble au banquet du pape, rend visite à l'empereur qui lui demande de faire apparaître Hélène, la belle que Faust désire et qui précipitera sa perte. Pas de Marguerite, qui est une invention de Goethe. Cette pièce est marquée par une alternance de tragique et de comique, de sérieux et de burlesque, qui permet de détendre le public, et qui fait écho au théâtre antique.
Alors que dans le "Volksbuch" primitif, il était animé d'une soif inextinguible de savoir, chez Marlowe, Faust repousse tout le savoir pour se livrer à la magie et à la puissance : il veut "devenir Dieu". Faust a la nostalgie de la mythologie ; la magie est alors un moyen de faire revivre un passé glorifié et idéalisé, dans lequel Hélène représente une forme de libertinage non encore entaché de péché. Cependant Hélène, cette Beauté idéale, a partie liée avec le Malin : son baiser "aspire et arrache l'âme". le baiser d'Hélène symbolise l'aveuglement du héros, qui est là pour montrer la faillite des grands élans humains qui ne mènent qu'à des réalisations ridicules.
Pour reprendre les termes de la présentation de cette édition, le Faust de Marlowe est comme "une autobiographie spirituelle d'une époque marquée par le doute". En tant qu'homme de la Renaissance, Faust est au coeur d'un vaste conflit d'idées qui ne sont plus celles du Moyen Âge et qui ne sont pas encore tout à fait celles de la modernité.
Faust façonne une mentalité collective sensibilisée au choix risqué du libre arbitre dans un contexte d'emprise des consciences, perpétré par l'obscurantisme religieux et l'absolutisme politique.
Avec la pièce de Marlowe, Faust arrive au théâtre et connaît une grande popularité, favorisant le développement de spectacles offrant de multiples formes d'attractions divertissantes : ballets, illuminations, machineries, chansons, mise en scène des horreurs des enfers. Ces spectacles donnent lieu également à la diffusion de nombreuses gravures figurant la chute des anges, les sept péchés capitaux, les visions de l'enfer, etc. La question de la transgression concrétisée par le pacte diabolique s'en trouve donc popularisée.
"Le Docteur Faust" de Marlowe n'a été traduit en allemand qu'en 1818 et en français en 1850.
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