Court mais dense, ce livre évocateur a pour ambition d'exposer à un public large une réévaluation de l'Antiquité tardive, un temps défini entre l'Antiquité cicéronienne et le haut Moyen Age. L'ouvrage oeuvre ainsi à réhabiliter un temps dénoncé par les Modernes comme un temps de décadence, début du Moyen Age trop souvent décrié comme un temps d'obscurité intellectuelle et culturelle par les auteurs de la Renaissance.
Henri-Irénée Marrou nous invite dans cet ouvrage à la méditation en évoquant d'abord les innovations matérielles impactant le monde culturel d'alors : révolution du costume, adaptation des jeux (la part des spectacles théâtraux diminuerait), diffusion du codex au détriment du volumen, érotisation de la nudité.
L'auteur s'intéresse également à la diffusion du christianisme qui forme une « nouvelle religiosité » de l'Empire. Dans cette Antiquité tardive la culture iconographique et philosophique de l'Antiquité classique est voisine de celle du christianisme alors que l'art antique prolonge la mutation religieuse.
Enfin l'ouvrage rappelle qu'en Orient Byzance perpétue la tradition impériale et antique tout en l'innovant via la théologie et la peinture d'icônes. Pour l'Occident, H-I Marrou est bien conscient de l'impact négatif des invasions germaniques mais les nuance : les royaumes germaniques remplacent l'Empire mais la latinité perdure, la culture classique et son prestige se perpétuent notamment via le christianisme adopté progressivement par les élites germaniques avant d'être réappropriée sous l'empire de Charlemagne.
Cette publication posthume de H-I Marrou est très plaisante à lire et permet d'appréhender autrement cette période aucunement « décadente » ; les méditations de l'auteur doivent cependant être prises avec du recul, les hypothèses avancées sont souvent très suggestives et discutables en particulier sur la « nouvelle religiosité » qui s'inscrit dans la théorie d'une théologie de l'histoire chère à l'auteur.
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