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Critique de le_Bison


Après une longue attente, le temps de boire trois bouteilles de bière, et je me mets à feuilleter ces quatre nouvelles japonaises, version manga. Parce que l'enfer se renferme dans ces trois bouteilles de bière. Une Kirin ?

Mais avant, connais-tu l'ero guro ? Bien évidemment, esprit pervers qui me lit ! Mais comme tu as trois bouteilles derrière toi, je te rafraichis la mémoire. L'ero guro est un mouvement artistique japonais qui mélange l'érotisme et le grotesque. de façon plus claire, du sexe et des relations macabres. Et en matière de manga, le maître incontesté n'est autre que Suehiro Maruo.

Je t'aurais bien filé une bière pour faire passer ces histoires, mais y'a le frangin et sa soeur qui les ont toutes sifflées pour les envoyer à la mer. Espérer que quelqu'un les ramassera et les sauvera de ce paradis des Enfers. Ils sont deux naufragés sur une île déserte. le frère et la soeur, 11 ans et 7 ans. Ils construisent des cabanes dans les arbres comme l'aurait fait Huckleberry Finn, pêchent, mangent des papayes et autres fruits exotiques… Un paradis. Mais ce temps de bonheur n'a qu'un temps, celui de l'adolescence où les corps se forment, les pulsions se déchainent et l'envie de baiser se fait fortement ressentir entre ces deux âmes plus si pures perdues dans la lubricité de cette île sauvage. La température s'élève, la sueur dégouline, les yeux s'injectent de sang, et cette furieuse envie de mélanger leurs deux corps allongés sur des feuilles de bananiers. J'ai l'imagination qui frétille, l'enfer en bouteille sur une île. A croire qu'ils n'ont jamais regardé Lost.

Va de retro satanas, le diable est dans ces pages, comme pour la tentation de Saint Antoine, ce curé obsédé au regard si lubrique épris de collégiennes en uniforme. Un remède de grand-mère pour soigner son âme, un bouillon de grenouilles mijotées…

Et puis, entre deux lubricités, tu prendrais bien un petit « kogane-mochi », ce savoureux gâteau à la pâte de haricots rouges entouré de pâte de riz translucide et doré. Ces gâteaux valent de l'or, si tant est que tu dégustes ceux de ce masseur « aveugle », si avare et si bien monté. Les gâteaux de l'(in)fortune, la convoitise un bien funeste sentiment.

Ah, cette pauvre grande soeur, qui doit s'occuper de son petit frère attardé – qui n'est pas son frère – abandonnée par sa mère, maltraitée par son père… Je suis en plein mélodramatique familiale. Sors ton mouchoir en flanelle, la morve va couler, le rimmel dégouliner. Ignoble, malsaine, cruelle. Terrifiante histoire que cette dernière nouvelle carrément cynique et démesurément cruelle.

Voilà donc un aperçu de cet « enfer embouteillé ». Il faut avoir le coeur bien accroché pour le suivre dans une horreur presque indéfinissable. Ces histoires n'ont pas de noms, ou si, ce sont bien de l'ero-guro dans toute son extrême splendeur. En passant, un petit mot graphiquement, juste pour dire que certains dessins m'ont fait penser à ces estampes érotiques d'Hiroshige, Hokusaï ou Utamaro. Des membres bien dressés pénétrant des chattes bien poilues. le trait fin et les veines saillantes, la froideur et le cynisme du discours se retrouvent compensés par la beauté visuelle de chacune des cases. Un vrai roman graphique comme je les apprécie, la poésie onirique de Jirô Taniguchi en moins mais la perversité de Suehiro Maruo en plus.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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