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EAN : 9782203081437
200 pages
Casterman (22/01/2014)
3.69/5   44 notes
Résumé :
Quatre nouvelles aux tons variés composent ce recueil où l’on retrouve l’érotisme, l’élégance et l’humour très noir de Maruo Suehiro, ainsi que les obsessions pour le surréalisme ou l’expressionnisme allemand du maître de l’ero-guro. Seuls survivants d’un naufrage, un frère et une sœur échouent sur une île isolée ; la tentation de Saint-Antoine se rejoue à travers les malheurs d’un abbé bienveillant ; au soir de sa vie, un masseur aveugle et avaricieux cache sa fort... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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C'est Moebius qui, en 1991, à fait découvrir Suehiro Maruo aux lecteurs français en publiant quelques planches de ce mangaka dans un HS de la revue "À Suivre".
Maruo est le maître incontesté (et admiré au Japon) du manga underground et de l'ero-guro : un mouvement artistique japonais qui a vu le jour dans les années 1920, entremêlant érotisme, grotesque et morbidité.

Dans ce recueil de quatre histoires, Maruo expose son univers, composé de déchéance, déviances (comportementales), malfaisance, cruauté, et surtout de souffrance. Or il arrive, souvent, et en même temps, à édulcorer ces mondes (d'avant-guerre) par un certain sens -particulier- de l'humour noir.
Chez Maruo, l'horreur et l'ép(r)ouvante ne sont guère "fantastiques" mais se manifestent dans les situations du quotidien : misère de la pauvreté, sexe, cupidité, relations homme-femme et parents-enfants (comme dans "Kogané-Mochi : les gâteaux de riz de la fortune" et dans "Pauvre grande soeur"...mon préféré...)... ou encore dans les liens dépravants entre frère et soeur avec le récit "L'Enfer en bouteille" (adaptation d'une nouvelle de Kyûsaku Yumeno, publiée en 1928).

L'auteur se dit influencé (e.a.) par l'expressionnisme allemand et le surréalisme. Avec un clin d'oeil à Dali, cette attirance est surtout perceptible dans "La Tentation de Saint Antoine", nouvelle également plus égrillarde en comparaison aux trois autres.

Impossible de se soustraire à la fascination qui opère dans ce manga déconcertant, le regard reste tout autant captivé par les épures magistraux d'un réalisme fort et intense, aux traits fins et tranchés.
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MARUO, TROISIÈME TENTATIVE (TOUJOURS SOFT)



Maruo Suehiro est une star de la BD japonaise « pour adultes », et à vrai dire de l'illustration aussi. Mais je crains, décidément, de ne pas être à proprement parler un fan… Tout en relevant que ce que j'en ai lu pour l'heure, si c'est systématiquement loué et ô combien par la critique, n'est probablement pas tout à fait représentatif de l'oeuvre de Maruo – parce que, en fait de maître de l'ero guro, la mention nécessaire à chaque critique d'une oeuvre du bonhomme, je l'ai pour l'heure surtout lu dans son registre le plus soft, visiblement ; et, si je n'irais probablement pas jusqu'à dire que ces lectures sont « parfaitement innocentes », elles m'ont fait cependant l'effet d'être bien moins dérangeantes qu'on ne le dit presque systématiquement – guère ero guro finalement.



Ceci étant, j'avais bien aimé, après un temps d'acclimatation, L'Île panorama, adaptation du court roman éponyme d'Edogawa Ranpo (et on parle toujours d'ero guro avec ce dernier, c'en est la figure littéraire tutélaire, mais là encore, dans mes quatre lectures pour l'heure, c'est une dimension qui est plus ou moins appuyée, on va dire). Mais mes lectures ultérieures m'ont laissé davantage perplexe : tout d'abord, La Jeune Fille aux camélias, semble-t-il un des plus fameux titres de Maruo, et qui, en dépit de qualités indéniables, et d'une personnalité forte (ce qui manque peut-être dans les deux autres titres ? J'y reviendrai...), m'avait paru impossible à chroniquer alors, tant j'étais sceptique une fois la dernière page retournée – aussi n'en ai-je jamais rien fait, et il faudrait sans doute que je tente de relire ça.



Mais même sentiment, donc, et peut-être encore plus appuyé, avec aujourd'hui L'Enfer en bouteille, recueil de quatre histoires courtes plutôt récentes (publiées entre entre 2010 et 2012) et finalement très sages – la prestigieuse revue Comic Beam dans laquelle elles ont toutes été pré-publiées n'ayant pas grand-chose à voir avec les magazines pornographiques dans lesquels avait débuté l'auteur. On trouve bien une case de sexe, un peu mécanique éventuellement, çà et là, mais vraiment pas de quoi envisager L'Enfer en bouteille comme un de ces livres qui se lisent d'une seule main (© Divin Marquis).



(À ce propos, La Jeune Fille aux camélias m'avait tout de même laissé le vague souvenir de quelque chose d'un chouille plus dérangeant, à tort ou à raison – en tout cas, l'effet grotesque, contexte forain oblige j'imagine, était sans doute bien plus marqué.)



Bref, tout m'incite à croire que, même après trois BD, je n'ai finalement jamais vraiment lu Maruo Suehiro – et il serait sans doute temps que je m'y mette, avec le vrai bon titre à cet effet.



Que n'est donc toujours pas L'Enfer en bouteille, recueil qui, en dépit là encore de qualités indéniables, ne m'a pas chamboulé : j'ai trouvé ça bien, globalement, oui, peut-être même très bien, mais quand même vraiment pas au point de crier au génie – ce que l'on est semble-t-il tenu de faire quand on chronique une publication de Maruo Suehiro. Il faut croire que je passe à côté...



ADAPTATIONS ?



Mais il y a peut-être un biais, ici, je suppose – et c'est que Maruo, comme dans L'Île Panorama et probablement d'autres titres encore, comme La Chenille et compagnie, louche ici, même si à sa manière, sur l'adaptation en BD de textes littéraires et éventuellement d'autres choses encore ; dans trois des quatre histoires courtes de ce recueil, du moins. Je suppose à vue de nez que le vrai Maruo résiderait donc dans des scénarios plus personnels, et que des récits comme La Jeune Fille aux camélias ou, ici, le quatrième et dernier « conte », et en même temps le plus banal à certains égards, « Pauvre Grande Soeur », s'en rapprocheraient davantage (or c'est à vrai dire celui que j'ai préféré).



Quoi qu'il en soit, « L'Enfer en bouteille », récit titre, est une adaptation d'un nouvelle de Yumeno Kyûsaku, semble-t-il l'autre modèle littéraire de Maruo, avec Edogawa Ranpo (il avait d'ailleurs livré auparavant une BD titrée Yumeno Q-saku). C'est un auteur dont je n'ai jamais rien lu, et sans doute serait-il bien temps que je m'y mette, car je tourne autour depuis trop longtemps – outre la présente adaptation, j'avais vu et globalement apprécié, il y a peu, le film le Labyrinthe des rêves, d'Ishii Sôgo, et on me vante depuis le XIVe siècle au moins, de toute façon, les mérites du roman Dogra Magra, notamment.



Le cas des deux histoires courtes suivantes est sans doute un peu différent. Nous avons tout d'abord « La Tentation de saint Antoine », qui emprunte à la tradition chrétienne, éventuellement mise en forme par Athanase d'Alexandrie au IVe siècle, et qui a suscité tant de variations ; ceci dit, dans le cas présent, Flaubert n'est pas vraiment du lot, et l'inspiration est surtout picturale – car le thème a connu bien des illustrations au fil des siècles, et c'est là, bien davantage que la littérature, la base du présent récit, où les clins d'oeil ne manquent pas ; cependant, mon inculture en la matière ne me permet guère de reconnaître avec certitude que le fameux tableau de Salvador Dali, de manière on ne peut plus explicite ; mais on évoque aussi Michel-Ange, Jérôme Bosch, Matthias Grünewald, Brueghel, Odilon Redon, Félicien Rops ou encore Max Ernst... pour des versions différentes du même thème, que classe même Maruo à la fin de sa BD. Cette inculture personnelle a sans doute sa part dans le fait que cette « nouvelle » très légère (très courte aussi, bien plus que les trois autres) m'a laissé totalement indifférent.



Au registre des plus-ou-moins-adaptations, il faut donc envisager enfin la troisième histoire, « Kogané-mochi », ou « Les Gâteaux de riz de la fortune », qui se fonde sur un classique théâtral du registre rakugo, fondé à la base sur une anecdote narrée pour la première fois au XVIIIe siècle, mais sans cesse reprise depuis – presque comme un passage obligé de l'humour théâtral. Noter cependant que ce récit, comme à vrai dire tous les autres dans ce recueil, est transposé par Maruo au XXe siècle, mais vintage disons – a priori les années 1930, donc l'ère Shôwa première mode, avec les militaires qui préparent le grand suicide collectif ; ce qui n'a probablement rien d'innocent.



« Pauvre Grande Soeur » est donc la seule histoire « totalement originale » de ce recueil, encore que les guillemets s'imposent, parce que, dans son déroulé, elle peut évoquer pas mal de choses (et, au Japon, peut-être un peu trop gratuitement car au fond je n'en sais pas assez pour en jurer pertinemment, cela m'a évoqué notamment Nosaka Akiyuki).



Bon, essayons de voir un peu plus en détail ces quatre nouvelles...



L'ENFER EN BOUTEILLE



On commence donc par… « L'Enfer en bouteille » (Bindzume no jigoku),adaptation d'une nouvelle de Yumeno Kyûsaku parue originellement en 1928. Maruo y est ainsi revenu en 2012 – c'est la plus récente des quatre « histoires courtes » de ce recueil, mais de peu.



L'idée de base est à la fois très simple et très forte. Deux enfants, frère et soeur, sont les seuls rescapés d'un naufrage. En avatars de Robinson Crusoé, ils apprennent à survivre ensemble dans une île qui les comble de ses bienfaits. En fait d'enfer, ils vivent donc d'abord le paradis. Ce qui ne doit pas durer – car ils grandissent, et le désir charnel s'empare d'eux alors qu'ils deviennent adolescents. Même ainsi coupés du monde, ils ressentent le poids de la culpabilité – héritage de cette Bible qui a survécu avec eux au naufrage et demeure le seul livre auquel ils ont accès… Quand les bouteilles jetées à la mer pour narrer leur histoire et appeler leurs parents à l'aide produisent enfin leur effet, et que la civilisation se rappelle à eux au travers d'un bateau de passage, le poids des interdits se fait plus fort que jamais – ne laissant d'autre option au couple impossible qu'un très japonais double suicide amoureux (je ne révèle rien, on le sait dès le départ).



Le traitement du récit par Maruo est assez déconcertant, et, j'imagine, impressionnant – même si je préfère ne pas trop m'avancer à cet égard (par exemple concernant l'étonnante conclusion « méta-narrative ») : lire la nouvelle serait sans doute indispensable pour en dire quoi que ce soit.



Mais la chronologie contournée produit son effet. Ceci étant, ce qui frappe avant tout, j'imagine, c'est le dessin (forcément), surtout quand il verse, outrancièrement en fait, dans le symbolisme – via de saisissants crânes qui s'insèrent dans le décor luxuriant, portant en eux toute la morbidité d'une société qui refuse qu'on l'écarte. C'est vivre avec les autres qui constitue en soi un drame – ou du moins sa menace, amplement suffisante. Sartre likes this ?



Concernant les personnages… Eh bien, j'ai eu un peu le même sentiment que lors de ma découverte de L'Île panorama – c'est… étrange. Et plus ou moins convaincant ? On parle de mes yeux de béotien, hein... La douleur morale et physique, très expressive, ne m'a pas forcément parlé – mais ces corps nus, à la limite de l'esquisse (même si c'est une esquisse qui sue abondamment sous l'effet de la chaleur comme de l'angoisse et du désir), s'inscrivent cependant bien dans un décor très travaillé, surchargé à vrai dire (et là encore ça peut rappeler L'Île panorama, où c'était une approche très pertinente), et donc très connoté. Indéniablement, la tension érotique est palpable à chaque case, sur un mode essentiellement douloureux – mais la nudité des corps n'enlève rien au fait que l'approche est essentiellement suggestive ; le problème réside alors peut-être dans la symbolique, qui appuierait un peu trop le trait ?.Avec le recul, je ne sais toujours pas s'il faut y voir un atout ou une tare...



Bon, c'est une réussite, j'imagine. Mais de là à crier au génie ? Eh bien, en toute sincérité, je ne peux pas aller jusque-là.



LA TENTATION DE SAINT ANTOINE



« La Tentation de saint Antoine » (Hijiri Antowânu no yûwaku) m'y incite encore moins. Cette nouvelle n'a pas grand-chose à voir – en dépit pourtant de la persistance d'un motif chrétien de l'interdit, et qui, graphiquement, emploie des codes très proches pour figurer le divin. C'est que le ton est tout autre – largement humoristique, grivois à vrai dire, la façon un peu puérile ; en outre, le récit est très bref, et ne s'embarrasse guère de texte.



L'histoire, un bien grand mot : un curé s'étonne naïvement de ce que son église est déserte à l'heure de la messe, et sort pour s'enquérir des raisons de cette invraisemblance. le spectacle du monde – gamins qui sont autant de diablotins, femmes dont le corps même à peine dévoilé ne peut qu'indiquer et susciter le péché le plus salace – l'effraie au point où le secours de Dieu lui paraît le seul recours envisageable ; a-t-il jamais pensé autrement ? Mais d'autres déceptions, dans tous les sens du terme, l'attendent…



Qu'en dire ? Pas grand-chose. le traitement très léger, qui ressort aussi du dessin, donne globalement l'idée d'une mauvaise blague sans guère d'intérêt intrinsèque. Comme avancé plus haut, je suppose qu'une plus grande maîtrise des références picturales aurait pu me permettre d'y apprécier des ressorts sous-jacents et autrement essentiels. En l'état, je n'ai pas du tout accroché. C'est le point faible du recueil.



KOGANÉ-MOCHI



Heureusement, à mon sens, le meilleur est à venir – avec « Kogané-mochi » et surtout « Pauvre Grande Soeur », qui m'ont tous deux bien plus parlé que ce qui précède, en offrant un déroulé peut-être plus classique, probablement à vrai dire, mais aussi, finalement, plus satisfaisant que « L'Enfer en bouteille », un peu trop « virtuose » peut-être à cet égard (avec le bémol du dessin des personnages, que je n'ai par contre pas du tout ressenti dans les deux derniers récits, où le trait caractéristiquement fin de Maruo me paraît en fait plus subtil, quand le propos l'est pourtant bien moins).



Mais, avec « Kogané-mochi » (ou « Les Gâteaux de riz de la fortune »), on reste bel et bien dans un registre à la fois ouvertement humoristique, et en même temps saturé de références – chose inévitable, sans doute, quand un auteur s'accapare ainsi un classique au sens le plus fort : une histoire que semble-t-il tout Japonais connaît pour en avoir vu d'infinies variations, au théâtre ou ailleurs, exécutées par de véritables dynasties de comédiens et humoristes – le rakugo ayant j'imagine essaimé dans d'autres registres plus conformes aux technologies et aux goûts contemporains.



Nous y suivons un masseur aveugle – enfin, sans doute masseur mais faussement aveugle –, un homme aux goûts simples au fond : les femmes et l'argent. D'une avarice phénoménale, proprement pathologique, ce scintillant connard, sentant approcher la fin, entend bien que son magot ne lui survive pas – et tous les moyens sont bons à cet effet, mais d'abord les plus grotesques. Or le sale bonhomme excite la convoitise du jeune couple qui s'est installé juste à côté de chez lui, et qui passe son temps à l'épier…



Le dessin très sobre et élégant de Maruo s'accorde avec bien plus de réussite que dans « La Tentation de saint Antoine » au ton humoristique du récit, même noir – voire plus, car la comédie, ici, est propice aux giclées de sang. Mais si la conclusion, ironiquement, emprunte les traits du cauchemar, ce sont ceux du cauchemar qui fait rire – c'est ce genre de grotesque. Certes, l'humanité ne sort pas grandie de ce tableau guère laudateur – mais c'est bien le rire qui l'emporte, jaune, noir, comme vous voulez, conséquence naturelle en tout cas de ces réjouissants excès.



PAUVRE GRANDE SOeUR



Reste que c'est la dernière histoire, « Pauvre Grande Soeur » (Kawaisôna ane), qui m'a le plus parlé – et je ne suis pas totalement certain que ce soit au crédit de cet album, car c'est en même temps une variation sur une base assez commune, sans doute déjà explorée par l'auteur (il m'a semblé y retrouver quelques échos de la Jeune Fille aux camélias, mais il faudrait donc que je relise cette BD), et qui relève, jusque dans ses outrances, d'une tradition fort convenue du mélodrame absolu épicé d'une louche de perversion.



Du coup, si le titre est peut-être (probablement) empreint d'une forme d'ironie cruelle, et si quelques cases çà et là peuvent faire vaguement sourire, si enfin les excès permanents relèvent à certains égards de la farce, c'est sur un mode sordide et globalement très noir – même si probablement pas autant que dans le conte de « L'Enfer en bouteille », qui suinte d'un insupportable désespoir. Mais c'est peut-être justement tout le tragique de la présente histoire : l'héroïne semble encore vouloir espérer…



C'est une jeune femme qui « n'a pas beaucoup de chance », disons. Enfin, d'abord une fille, puis une jeune fille – qui s'entend quotidiennement reprocher sa laideur. Son père la bat, forcément, et on lui fait la suggestion de la vendre – qu'elle serve à quelque chose ; oui, elle est moche, c'est sûr, mais, en l'apprêtant un peu, il se trouvera bien des clients… Et le fils ? Michio ? Un attardé – ça se voit sur ses traits ; il est ignoble, monstrueux, stupide… Voilà ce qu'il faut en faire : Une attraction de foire ! Et ça serait encore mieux si on lui coupait ses membres inutiles – le plus répugnant des ho… des enfants-troncs !



La jeune fille horrifiée s'enfuit avec son freak de petit-frère. L'ironie, dans ce monde où les hommes sont par essence des prédateurs, consistera à forcer l'héroïne à se prostituer pour assurer leur survie… Mais ses avanies ne s'arrêteront pas là : il suffit au fond de peu de choses pour que le mélodrame, déjà terrible, vire à la tragédie la plus noire – le retour du père…



Variation sur Justine, un peu plus franchement ero guro que les trois histoires qui précèdent ai-je l'impression, « Pauvre Grande Soeur » fonctionne remarquablement bien. Au plan graphique, j'ai, comme avec le récit qui précède immédiatement, été finalement plus convaincu que par « L'Enfer en bouteille » (sans même parler de « La Tentation de saint Antoine ») – le trait ultra-fin de Maruo est admirable, je n'ai cette fois aucune réserve, et il y a une cohérence parfaite entre le récit et son illustration ; peut-être le ton plus cru y est-il pour quelques chose. le symbolisme est en effet moins marqué que dans « http://nebalestuncon.over-bl..
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Échoués sur une île déserte, un frère et une soeur vont grandir rongés par la solitude et être gagnés par le trouble de leurs deux corps qui changent… Un saint homme en proie à ses démons intérieurs… Un homme radin à en mourir... Une soeur contrainte au pire pour protéger son petit frère lourdement handicapé du monde extérieur en général et d'un proche en particulier…

Manga composé de quatre histoires courtes, L'Enfer en bouteille est ma première incursion dans l'univers de l'ero-guro (érotique-grotesque), un univers qui peut surprendre tant le mélange de violence et de sexe est d'une noirceur absolue.

Suehiro Maruo s'amuse avec les règles de la bienséance et de la bien-pensance pour mieux en repousser les limites ou comment brouiller les frontières entre le bien et le mal. Ici quid de l'amour ? le sexe engendre voyeurisme et perversion, il n'est envisagé que comme monnaie d'échange et au « mieux », il est incestueux. La violence, la souffrance et l'abandon sont omniprésents. Les fratries comme l'image de la famille sont sacrément malmenées.

Au niveau du graphisme, le contraste entre certains décors paradisiaques et la noirceur de ce qui s'y déroule est d'autant plus saisissant. Les dessins passent d'un réalisme enchanteur à une crudité animale et flirtent parfois avec le surréalisme, sans parler du gros clin d'oeil à Dali.

Suehiro Maruo signe une oeuvre surprenante et dérangeante qui plaira ou rebutera mais ne laissera aucun lecteur indifférent. Moebius qui l'a fait connaitre en France en parle en ces mots : « Maruo se conduit comme un artiste, comme un Rimbaud. Il est dressé avec une telle violence et une telle fierté sur les ruines de son âme. Et, en plus, il en est extrêmement conscient et se met en relation avec ses frères de la tradition littéraire européenne et de l'érotisme noir, Bataille et Sade. Il associe sa souffrance à la souffrance planétaire. »

En bulles et en cases mais surtout L'Enfer en bouteille, à l'ombre de nous-mêmes…

Lien : http://bouquins-de-poches-en..
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Après une longue attente, le temps de boire trois bouteilles de bière, et je me mets à feuilleter ces quatre nouvelles japonaises, version manga. Parce que l'enfer se renferme dans ces trois bouteilles de bière. Une Kirin ?

Mais avant, connais-tu l'ero guro ? Bien évidemment, esprit pervers qui me lit ! Mais comme tu as trois bouteilles derrière toi, je te rafraichis la mémoire. L'ero guro est un mouvement artistique japonais qui mélange l'érotisme et le grotesque. de façon plus claire, du sexe et des relations macabres. Et en matière de manga, le maître incontesté n'est autre que Suehiro Maruo.

Je t'aurais bien filé une bière pour faire passer ces histoires, mais y'a le frangin et sa soeur qui les ont toutes sifflées pour les envoyer à la mer. Espérer que quelqu'un les ramassera et les sauvera de ce paradis des Enfers. Ils sont deux naufragés sur une île déserte. le frère et la soeur, 11 ans et 7 ans. Ils construisent des cabanes dans les arbres comme l'aurait fait Huckleberry Finn, pêchent, mangent des papayes et autres fruits exotiques… Un paradis. Mais ce temps de bonheur n'a qu'un temps, celui de l'adolescence où les corps se forment, les pulsions se déchainent et l'envie de baiser se fait fortement ressentir entre ces deux âmes plus si pures perdues dans la lubricité de cette île sauvage. La température s'élève, la sueur dégouline, les yeux s'injectent de sang, et cette furieuse envie de mélanger leurs deux corps allongés sur des feuilles de bananiers. J'ai l'imagination qui frétille, l'enfer en bouteille sur une île. A croire qu'ils n'ont jamais regardé Lost.

Va de retro satanas, le diable est dans ces pages, comme pour la tentation de Saint Antoine, ce curé obsédé au regard si lubrique épris de collégiennes en uniforme. Un remède de grand-mère pour soigner son âme, un bouillon de grenouilles mijotées…

Et puis, entre deux lubricités, tu prendrais bien un petit « kogane-mochi », ce savoureux gâteau à la pâte de haricots rouges entouré de pâte de riz translucide et doré. Ces gâteaux valent de l'or, si tant est que tu dégustes ceux de ce masseur « aveugle », si avare et si bien monté. Les gâteaux de l'(in)fortune, la convoitise un bien funeste sentiment.

Ah, cette pauvre grande soeur, qui doit s'occuper de son petit frère attardé – qui n'est pas son frère – abandonnée par sa mère, maltraitée par son père… Je suis en plein mélodramatique familiale. Sors ton mouchoir en flanelle, la morve va couler, le rimmel dégouliner. Ignoble, malsaine, cruelle. Terrifiante histoire que cette dernière nouvelle carrément cynique et démesurément cruelle.

Voilà donc un aperçu de cet « enfer embouteillé ». Il faut avoir le coeur bien accroché pour le suivre dans une horreur presque indéfinissable. Ces histoires n'ont pas de noms, ou si, ce sont bien de l'ero-guro dans toute son extrême splendeur. En passant, un petit mot graphiquement, juste pour dire que certains dessins m'ont fait penser à ces estampes érotiques d'Hiroshige, Hokusaï ou Utamaro. Des membres bien dressés pénétrant des chattes bien poilues. le trait fin et les veines saillantes, la froideur et le cynisme du discours se retrouvent compensés par la beauté visuelle de chacune des cases. Un vrai roman graphique comme je les apprécie, la poésie onirique de Jirô Taniguchi en moins mais la perversité de Suehiro Maruo en plus.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Club N°51 : Manga non sélectionné
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Un manga érotico-horrifique aussi dérangeant que plaisant à lire, par le maître de l'horreur Suehiro Maruo.

Pas pour les âmes sensibles.

Mörx
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Très beau dessin pour ces quatre histoires de thèmes et de longueurs différentes.

C'est cru et dérangeant, c'est donc parfait pour parler des tréfonds de l'âme humaine.

Gilles
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critiques presse (2)
BoDoi
29 janvier 2014
Ici, l’approche reste réservée aux adultes mais on ne trouvera pas les élans borderline dont l’homme est capable (gore anatomique, scatologie,…). Juste un goût de romantisme sombre, délicatement malsain, dans un monde d’impuretés coquettes et de décorums surréalistes.
Lire la critique sur le site : BoDoi
LeMonde
20 janvier 2014
Traversée de références au surréalisme, l'esthétique raffinée de Suehiro Maruo ajoute à l'envoûtement.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Maruo est l’incandescence totale de la colère sexuelle, de la volonté destructrice, de l’appel au secours permanent d’un enfant torturé, dans un regard plein de compassion mais en même temps aveuglé par une rage terrible.
[...]
Maruo est dans une détresse telle qu'il brisera tous les tabous. Sa douleur lui fait surmonter le problème délicat de la communication. Je conçois que des gens puissent être effrayés par son travail : il met à jour des parties de nous que la plupart occultent [...]

(Dans la préface par Moebius)
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Je ne sais pas quand cela a commencé, mais avec le temps je constatais que le corps d’Ayako devenait de jour en jour d’une beauté lisse et prodigieuse parfois éblouissante comme une déesse des fleurs parfois voluptueuse comme une créature démoniaque.
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Comment aurions-nous pu imaginer que, sur cette île perdue, un effroyable démon allait venir troubler notre bonheur.
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… et dans une étreinte ardente, nous allons mourir en nous jetant dans l’abîme profond.
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Leur cul et les larmes, voilà les armes des femmes.
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Videos de Suehiro Maruo (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Suehiro Maruo
"Ce Docteur Inugami est une belle surprise pour ma part, il se lit d'une traite, on enchaîne les chapitres sans voir le temps passer et le temps de le dire, c'est déjà fini."
Salut à toi ! Voici une nouvelle fois un Mangado - La voie du manga sur Docteur Inugami de MARUO Suehiro. Pour ne louper aucune vidéo et nous soutenir, pense à t'abonner à la chaine youtube de Manga-News et de la Bande Animée !
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