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Critique de ange77


« La porte s'ouvrit en coup de vent - il entra en courant - le grand homme-ciseaux aux longues jambes rouges ! »

Apparition [titre original : Prey] est, jusqu'à présent, mon troisième ouvrage de Graham Masterton.
Bien qu'il ne m'aie pas autant emballée que "Sang Impur" ou "Le diable en gris", et malgré des débuts laborieux (dûs en partie à la faiblesse d'interêt des premiers chapitres) mes retouvailles avec l'auteur furent, dans l'ensemble, assez plaisantes - encore que, le terme ne soit peut-être pas tout à fait celui qui convienne...


J'ai fini par ressentir un réel engouement pour ce livre, mais seulement après plusieurs chapitres, qui avaient jusque là une nette tendance à m'engluer dans l'abattement, voire l'accablement le plus total. Car en effet, je n'avais lu que deux livres du célèbre écossais (et je les avais adoré d'ailleurs), mais là... j'étais en passe de me poser pas mal de questions quant à son succés - j'exagère bien entendu, inutile de sonner l'hallali ^^

Maintenant, je savais aussi pertinnement que ce titre-ci était sujet à diverses avis mitigés et qu'il avait même déçu quelques afficionados.

Si le talent de Masterton n'est tout de même plus à prouver depuis longtemps, je ne suis pourtant pas la seule à lui avoir trouvé, avec "Apparition", une certaine lenteur, pour ne pas dire langueur (avec a, j'insiste), à installer son récit.
Pour dire vrai, je me suis carrément ennuyée dans les premiers temps de ma lecture, c'en était même frustrant...
Ce début m'a effecivement contrariée à tel point que j'ai failli abandonner en cours, mais encore une fois, je me suis accrochée et je ne le regrette absolument pas !


« Une fois que nous sommes ici, nous sommes ici pour toujours. C'était une pensée étrange, un peu triste, mais réconfortante également.»


Petite patenthèse personnelle :

Beaucoup ont fustigé le protagoniste principal, et moi la première, pour son évidente nonchalance et sa bêtise même, face aux évènements surnaturels ("- mais pourquoi donc s'obsiner à rester dans une maison hantée ? Franchement ?").
Certes, le héro fait souvent preuve d'un comportement, sinon idiot, qui retourne à minima d'une pulsion suicidaire quand-même, au vu de ce qu'on apprend sur Fortyfoot House... Lui-même s'étonnant parfois de sa propre témérité. J'ai été intimement convaincue que notre homme n'avait pas (ou plus) toute sa tête ; non content de s'éterniser dans cette vielle demeure plus qu'inhospitalière et malgré les funestes évènements paranormaux qui y surviennent, il finira par se jeter littéralement dans la gueule du loup - ou du rat... - , et pas qu'une fois en plus !...
- Un peu à l'image de ces fameux films de série B (dont certains sont néanmoins devenus cultes aujourd'hui), où l'on ne peut s'empêcher de traîter les personnages pour leur folie, leur entêtement, et de se répandre en invectives bien inutiles au final -.
Parce que soyons honnêtes, et un minimum objectifs : on ne demande que ça ! Car si David avait fuit avec tout son barda aux premiers phénomènes bizarres ou bruits un tant soit peu suspects... ben, y aurait tout simplement pas d'histoire !! Point. CQFD
(fin de la parenthèse)


« Une force sombre et hargneuse.»


De toute façon, ça, c'était juste au début...

Survient ce moment où, sans vous en rendre compte, vous vous retrouvez soudainement piègés, inextricablement ; entièrement sous l'emprise Mastertonienne.
Tel un Brown Jenkins de l'écriture, l'auteur vous glace le sang et accapare entièrement votre esprit dans ses griffes éffilées. Et là... ne vous reste plus qu'à prier pour le salut de votre âme.

Une fois au coeur de l'abomination, je défie quiconque de refermer le livre. En ce qui me concerne, j'aurai été bien en peine de réaliser cet exploit !
J'étais engluée, non plus dans l'abattement, mais bel et bien dans la quintessence du Mal... Je n'ai pas employé le mot "emprise" pour rien : et encore, c'est bien pire que ça en réalité...


« Cela ne ressemble pas au Diable, cela ne ressemble pas à Dieu. C'est autre chose. Quelque chose de complètement différent.»


Toujours capable de surprendre son lectorat, l'écrivain n'a donc pas failli à sa réputation.

Ce dernier avait-il dévoré de l'Angus trop saignant ? On ne le saura jamais...
Mais une chose est certaine ; quand on arrive enfin dans les méandres de l'histoire à proprement parler, il est juste impossible d'en sortir... encore moins d'en sortir indemne.
C'est sans scrupules - et heureusement! - que Masterton, qui ne souffre d'aucune inhibition, nous plonge dans les profondeurs abyssales de son imagination débridée.
Se mettront alors en place les pièces d'un bien machiavèlique puzzle, de purulentes mises en scène jusqu'aux tétanisantes migraines que provoqueront les paradoxes des voyages temporels...

« La tâche de sang avait exactement la même forme que la dernière fois que je l'avais vue... il y a une demie-heure environ, 106 ans plus tard.»

Et à partir de là, il n'aura de cesse de nous torturer l'âme jusque la dernière ligne.

« Le monde tel qu'il était, le monde tel qu'il est, le monde tel qu'il sera. »


Un bémol peut-être ?

On pourra sans doute reprocher - une fois n'est pas coutume... ah ah - les scènes pornographiques si chères à l'auteur. Si durant une bonne partie de l'histoire, je ne m'explique pas franchement l'origine de ce blâme, je dois tout même avouer que j'ai nettement mieux compris la réprimande par la suite...
Par contre, je dois être moins "prude" j'imagine, parce que, même si je veux bien avouer que notre ami s'en donne à coeur joie (hum!... c'est peu de le dire), j'ai estimé - et cet avis n'engage évidemment que moi ^^ - que ces passages n'entravaient en rien la compréhension ou la continualité du récit. Au contraire, je les ai même trouvé intrinséquement liés à l'atmosphère prégnante, sulfureuse dans tous les sens du terme, et déjà outrageuse du texte en général.
Mais j'admets volontiers que l'impudeur de quelques-uns de ces dit passages puisse parfois choquer.


Influence(s)...

Nombre d'auteurs de littérature fantastique (ou autre) se sont déjà frottés au mythe Lovecraft, lui rendant hommage avec plus ou moins de réussite.
Ici Graham Masterton reprend le personnage principal d'une nouvelle de HPL : Brown Jenkins, répugnante créature mi-rat mi-homme, apparu pour la première fois donc dans "La maison de la sorcière" (cycle Chtulhu). De nature plus animale dans la nouvelle d'origine de l'américain, le Brown Jenkins mis en scène par l'écrivain écossais est un peu plus "humain", d'un point de vue morphologique du moins...
Outre un aspect peu ragoûtant et une hygiène qui laisse à désirer, notre familier - enfin, celui de Kezia Mason en l'occurence (on notera que l'auteur ne change ici qu'une seule lettre dans le nom de la sorcière, Lovecraft écrivant Keziah) - possède toutes les caractèristiques du véritable monstre, celui de nos pires cauchemars, venu tout droit des enfers, de l'ether putride et fuligineux où errent les entités les plus démoniaques qu'aient porté le monde.
Afin de parfaire l'ensemble, notre écrivain terrible ira jusqu'à emprunter au cultissime auteur la légende des Grands Anciens (Great Old Ones ou Old Ones)

(Je tiens à préciser au passage qu'il ne faut nullement être fan assidu de H.P. Lovecraft, ni connaître son oeuvre, pour apprécier "Apparition". Au mieux, Masterton aiguisera votre curiosité envers ces "inratables"!)

On observera également d'autres réfèrences à Poe ou aux non moins célèbres frères Grimm.
« Il n'y aura plus d'enfants, conclut-il d'un ton dramatique.»


Finalement :

Contrairement à ce que j'ai pu penser au départ, "Apparition" s'est révelé bien plus qu'un simple roman d'horreur ; hallucinant, terrifiant, juste époustouflant, surtout vers la fin où notre homme se lâche et nous abandonne dans des torrents de sombres turpitudes toutes... lovecraftiennes.

« Yog-Sothoth. Comment Lovecraft avait-il eu connaissance de ce nom, je préférais ne pas y penser. Mais le règne de Yog-Sothoth était imminent. Yog-Sothoth, qui écume tel le limon originel dans le cahos nucléaire pour toujours au-delà des avant-postes les plus inférieurs de l'espace et du temps ! »

Ce fut donc une très bonne surprise, et une lecture particulièrement angoissante comme je les aime.
De celles qui donnent sueurs froides, nausées et frayeurs pour encore plusieurs nuits à venir...

Pour tout ça, merci Monsieur !


Ma note : 4,5/5
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