Je participais à une énième réunion de professeurs et j’écoutais d’une oreille distraite une collègue, attifée d’un infâme serre-tête en velours vert bouteille et d’une robe informe qui recouvrait ses godillots mal lustrés. J’étais rongé par l’ennui et l’indifférence. Personne n’éveillait en moi la moindre compassion, un quelconque intérêt. Je n’aimais décidément aucun de mes collègues, ni mes élèves et encore moins le métier que j’exerçais. Depuis plusieurs années, j’avais acquis la certitude que ce travail d’éducateur n’était pas fait pour moi, et cette impression ne s’était plus jamais démentie. Pourtant je l’avais choisi délibérément, autrefois, quand j’étais pétri d’orgueil d’être partie prenante d’une glorieuse mission : celle de parvenir à transmettre quelques notions essentielles à des parasites dissipés. Or, je n’ai fait que quérir de l’énergie dans le grand vide de mon existence et me suis essoufflé. J’avais abandonné mes grands desseins philanthropiques au profit d’une petite vie sans conviction.
Assis devant la fenêtre, j’assiste au spectacle comme à l’ultime représentation d’un théâtre de geste. Dehors, la vie va reprendre son rythme insouciant, avec ses détails, ses futilités. Chaque cervelle débutera la journée en pensant à un être, une action, une émotion. Ces milliards de pensées, toutes tournées vers l’avenir, proche ou lointain, imaginent que demain existera, s’emploient à le concevoir, à leur façon, avec plus ou moins d’ambition, de raison, ou d’espoir.
Enfin, les larmes viennent former un écho en harmonie avec la pluie sur les vitres. Et dans ma mémoire soulagée, les souvenirs d’antan jaillissent comme à l’ouverture d’un coffre à jouets porteur des trésors de l’enfance.