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Critique de Kirzy


°°° Rentrée littéraire 2023 # 37 °°°

La quarantaine, Suzanne, débarque sans entrain avec mari et fils en Sardaigne pour quelques semaines de vacances chez ses beaux-parents, une famille d'industriels italiens à la Agnelli au train de vie faste et luxueux, elle qui vient d'un milieu très modeste. La graine du doute est semé par un conducteur de taxi qui évoque un enfant enlevé dans les années de plomb. Puis suite à une conjonction de petits riens, l'effet papillon s'emballe et engendre le début d'une prise de conscience.

« Suzanne a tout d'un deus ex machina mais reste à savoir si elle est vraiment là pour un happy end » nous prévient un prologue, un brin ironique. L'histoire de Suzanne, c'est celle d'une femme dont les yeux se décillent, une femme qui se réveille et se pose enfin les questions tous azimuts qu'elle a occultées toute sa vie et qui remontent à la surface, quitte à faire tout imploser : comment sa belle-famille est-elle devenue riche ? serait-elle tombée amoureuse de son mari sans sa fortune ? Que veut-elle transmettre à ses trois fils qui deviennent d'indécents enfants gâtés ?

Marchands de sable n'est pas un roman qui joue sur l'émotion ou cherche à provoquer une empathie. La plupart des personnages sont unidimensionnellement détestables, aucun n'est attachant, pas même Suzanne, trop longtemps aveuglée par les ors de son train de vie pour être totalement sympathique, trop empêtrée dans ses ambivalences pour ne pas agacer ... mais on est avec elle dans sa quête, et on veut qu'elle attaque, qu'elle morde.

Et c'est un petit jeu de massacre fort réjouissant. le narrateur ultra omniscient orchestre les règlements de compte et semble se marrer à l'avance lorsqu'il décrit avec férocité le petit microcosme sarde et ses rapports de classe à toutes les échelles : entre Suzanne et sa belle-famille qui la méprise, entre employeurs et domestiques, entre domestiques locaux et « importés » ( voire migrants clandestins bossant sur la plage ), entre riches eux-mêmes. Les phrases ciselées au vitriol d'Agnès Mathieu-Daudé font mouche quasi à chaque fois, que ce soit dans les descriptions ou les dialogues.

Si la première partie d'exposition se traine tout de même en longueur, dans le dernier tiers, l'autrice accélère la douloureuse prise de conscience de Suzanne en développant les enjeux extra-familiaux ( mais qui ont des conséquences sur l'individu ou sa cellule familiale ) à forte connotation politique avec en ligne de mire la Sardaigne des années 1970 et leur héritage dans la société actuelle, remontant même aux collusions entre les grandes fortunes italiennes et le fascisme mussolinien.

Toutes les observations sont justes mais cela fait beaucoup de thématiques ( prédation capitalistique, course aux ressources fossiles, immigration clandestine, ravages écologiques, industrie militaire etc ) à organiser et accorder. Sans doute trop. J'ai trouvé le récit plus convaincant, plus à l'aise lorsqu'il se resserre sur la « lutte des classes » et le personnage de Suzanne, plus confus lorsqu'il s'agit de dénoncer la cupidité et la prédation capitalistiques ainsi que leurs dessous dégueulasses.

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