Citations sur Velvet Love (16)
— Où est madame Gisèle ? je demande en posant la nourriture pour poisson sur le tapis.
— En vacances.
Il prend mon article qu’il inspecte sous toutes les coutures.
— Poisson rouge ?
— Non, crocodile.
Je me demande en le regardant ce qui est préférable dans la vie, être beau, ou être assez intelligent pour ne pas poser ce genre de question quand il écrit en gros sur le pot « aliment pour poisson rouge ».
On peut dire ce qu’on veut sur cette histoire de roue qui tourne, de destin qui se venge et blablabla, le mien est sensiblement le même depuis toujours : de la merde. La poisse, la guigne, la malchance, ce genre de truc négatif ne m’a jamais quittée. Je n’ai certes que vingt-quatre ans mais, c’est vingt-quatre ans de galère, d’embuches, de coups durs et de torture. Et aujourd’hui me le confirme. Pour une fois qu’un truc cool m’arrive, comme ma première affaire sur le terrain, il faut qu’il y ait quelque chose qui vienne tout gâcher. Quelqu’un en l’occurrence. Je devrais être habituée après toutes ces années à devoir faire avec la poisse, mais allongée sur mon nuage je n’ai rien vu venir. Il faut se méfier du bonheur, tout simplement parce qu’il n’existe pas.
— Je suis en train d’accoucher dans une caserne, entourée de mecs à moitié nus…
— Je sais dit-il en embrassant mon crâne et tu t’en sors bien. Docteur beau gosse va être jaloux.
La vie, la fête, les gens, les hommes, rien de tout ça n’est pour moi.
— Je prépare le marathon LGBT.
Je hausse les sourcils en observant cet homme qui devient subitement un peu trop propre.
— LGBT hein ? Vous êtes gay ?
Il soupire en me jetant un regard désespéré.
— Vous croyez que tous ceux qui courent contre le cancer du sein en ont eu un ?
Yvan relève vivement la tête, ses sourcils fournis se froncent. Je les observe en me disant que j’ai vraiment un problème avec les sourcils. Pourquoi je regarde ça chez un mec et pas ce que toutes les femmes du monde regardent, les fesses par exemple ?
C’est fou comme les enfants sont attirés par ceux qui ne les aiment pas.
— Si je te résume, tu t’appelles Kalinka, tu as…
— Vingt-quatre ans.
— Vingt-quatre ans, tu es détective privée, t’as un poisson rouge, t’aimes le chocolat et danser le dimanche matin dans ta cuisine. T’as une sœur qui a trois enfants dont tu ne connais pas l’âge, tu ne parles pas de sexe, t’utilise les gens comme si c’était des objets et tu ne souris jamais. C’est ça ?
Malgré le choc et le constat édifiant un peu succinct tout de même de ma personne, je sors mon plus beau sourire pour Petit Con.
— Et toi t’es Harrison, tu as…
— Vingt-trois ans.
— Vingt-trois ans, tu étudies je ne sais quoi, je ne sais où, tu pollues le magasin de madame Gisèle avec du Reggae et tu dragues les cougars à ton second travail de serveur dans un bar. Tu souris pour un oui ou pour un non, tu parles de sexe comme de beau temps et tu espionnes les gens à ta fenêtre le dimanche matin. T’as sûrement une famille dont tu te fous et pour couronner le tout tu m’emmerdes ! On est bon maintenant ?
« – Ça me suffit pour le moment… « chérie ».
Je pouffe de rire en entendant ce petit mot stupide.
– Ne m’appelle pas comme ça, c’est nul.
Je le vois ouvrir la bouche et avant qu’un surnom stupide ne sorte je prends l’initiative de l’embrasser.
– Poussin ? il arrive à me lancer avant de mordiller ma lèvre.
– Kalinka, c’est très bien.
– Emmerdeuse, ça me paraît plus juste.
Je pince sa peau au niveau de ses côtes et il recule en riant.
– Je dois y aller.
J’acquiesce, il est pratiquement quatorze heures, il est déjà en retard.
– Bonne journée, Petit Con.
Il m’attrape le bras et me ramène contre lui.
– Je crois que j’aime bien quand tu m’appelles comme ça, je t’imagine jouir et crier « Petit Con, encore ». »
Vingt ans d’habitudes ne s’enlèvent pas du jour au lendemain, mais à présent je sais d’où vient ce besoin maladif d’engloutir à s’en écœurer. Il comble, il protège, il m’empêche de me sentir rejetée, il est mon armure contre le monde