AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de brumaire


J'aurais pas dû .
Je savais bien pourtant que la lecture de ce livre allait exacerber ma détestation de l'Homme (avec un H majuscule s'il vous plait). Je savais bien que je me complairai dans un masochisme vain et stérile. Ce livre je le connaissais déjà avant de l'avoir lu.
"Silences africains" de Peter Matthiessen trainait depuis longtemps dans un carton , destiné à un vide-grenier estival , je l'avais acheté parce que j'avais beaucoup aimé "Urubamba" et surtout le superbe "Léopard des neiges".
Mais j'avais toujours remis aux lendemains de disette littéraire la lecture de ce récit naturaliste en Afrique. Je savais trop bien ce que j'allais y trouver.
Il est un lieu commun que nous servent rituellement les news hebdomadaires (l'Obs, L Express, le point...) : " le décollage économique de l'Afrique" ! "L'Afrique sort de la pauvreté" , " L'Afrique profite de la mondialisation" .....Ouais...
L'Afrique je la connais un peu. J'ai pratiqué. Il y a longtemps. C'était mon époque tiers-mondiste . René Dumont (mon idole de l'époque) , venait de publier " L'Afrique noire est mal partie". le choc. Alors comme ça les valeureux révolutionnaires qui ont chassé les affreux coloniaux ne seraient que des accapareurs d'une autre sorte ? Dumont pointait les errances des politiques agricoles , les obscurantismes séculaires, l'impéritie des nouveaux pouvoirs. Un peu plus tard (entre temps je me suis régalé de pas mal de livres sur l'Afrique mais qui ne m'ont pas enthousiasmé outre mesure ) , j'ai lu "Safari noir" de Paul Théroux . Coup de boule ! ce livre écrit dans les années 2000 est le récit du voyage du Caire au Cap par le grand voyageur américain (une autre de mes idoles ) Paul Theroux, bon connaisseur de l'Afrique de l'est pour y avoir enseigné dans le Peace Corps dans les années 1960. Son récit montre une Afrique crépusculaire, plus pauvre qu'à l'époque des colonies, où les guerres et la succession lancinante des coups d'états ont ravagé ce qui reste des états issus des indépendances. Son constat est sans appel , a mille lieues des enthousiasmes mondialistes des news précités.
"Silences africains" est dans la même veine ; avec juste un éclairage différent. Peter Matthiessen est un touche à tout naturaliste : ornithologue, biologiste, journaliste, écrivain... "Silence africains" est la compilation de trois voyages qu'il effectua dans les années 1980 en compagnie de plusieurs spécialistes de la faune africaine dont George Schaller avec qui il partagea les aventures népalaises du "Léopard des neiges".
Partis à l'origine avec quelques buts scientifiques bien précis (découvrir le "fameux" éléphant pygmée" dont parlent tous les explorateurs , faire l'état des lieux des réserves d'animaux sauvages, mesurer l'impact de la pression démographique sur les espaces naturels) , nos biologistes vont faire le constat amer du grand silence africain. La savane est vide, la forêt est atone. Les animaux ont disparus. Les guerres civiles incessantes, la pression démographique, les habitudes ancestrales, ont eu raison de la grande faune africaine. Matthiessent constate. Il constate surtout que les responsabilités sont multiples et partagées. Difficile de pointer du doigt un responsable unique. Peut-être en premier lieu la vacance du pouvoir dans des états livrés à la corruption, au jemenfoutisme, à l'aquabonisme. L'Occident (c'est à dire en fait les Multinationales Occidentales ! ), a bien sûr sa part de responsabilité dans l'affaissement brutal des populations animales . Mais il me semble que désormais tous ces états africains sont souverains depuis au moins cinquante ans, et qu'il leur serait facile de dire non si leur classe politique avait un tant soi peu de vertu matinée d'un souci du bien public ; ce dont je doute.
Les 300 pages du livre m'ont mis dans un état de prostration dont j'avais anticipé les effets par quelques provisions d'alcools forts. Même les "natifs" (on marche sur des oeufs de nos jours ...) , ne trouvent pas grâce aux yeux de Peter : les Pygmées qu'il côtoie sont dénaturés. La soi-disant empathie que les peuples primitifs éprouvent pour les proies qu'ils chassent est bien une illusion d'ethnologue idéaliste . Donnez leur des armes à feux et l'éthique sera remisée au fond de la case ; on a connu ça avec les bisons et les indiens...
Tristes tropiques.... Silence des grandes forêts du Congo, des savanes ivoiriennes, des marécages centrafricains.
Peter Matthiessent se veut optimiste, à la fin de son livre, en misant sur la raison des hommes et l'opportunité qu'on les Etats africains de gagner de l'argent en promouvant les parcs nationaux . C'était il y a 31 ans. Et je n'y crois pas une seconde. Aujourd'hui il ne reste que quelques centaines de Rhinocéros en liberté ; de quelques millions d'éléphants en 1986 la population de ces animaux se compte désormais en dizaine de milliers. La Chine achète à la fois les consciences africaines et des milliers de kilomètres carrés de terres arables d'où les paysans sont chassés sans compensations. Oui l'Afrique est mal partie.
Commenter  J’apprécie          60



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}