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Critique de 5Arabella


Le narrateur, écrivain de son état, nous détaille ses rencontres avec un personnage hors norme, Charles Strickland, agent de change qui du jour au lendemain a tout abandonné, sa vie professionnelle, sa famille, le confort d'un intérieur cossu, pour tenter sa chance en tant que peintre, à Paris d'abord, en Polynésie ensuite. Sans aucun succès, mais après sa mort ses tableaux sont devenus recherchés et hors de prix. le narrateur a eu l'occasion de l'approcher dans des moments de crise, comme lorsqu'il est allé tenter de le convaincre de revenir à son foyer, mandaté par l'épouse abandonnée. A travers le personnage de Strickland, qui semble brutal et égoïste, dans sa recherche d'un je-ne-sais quoi qui lui fait piétiner toutes les normes sociales et tout ce que l'on considère comme les relations humaines acceptables, le narrateur semble vouloir cerner le sens du choix d'être artiste, la nécessité de créer, de rechercher un absolu de l'art, à n'importe quel prix et par n'importe quel moyen. Comme une nécessité absolu, plus forte que n'importe quel impératif d'un autre ordre.

Il y a sans aucun doute des moments très justes et très convaincants dans ce roman, mais je dirais plus dans la description de certains personnages secondaires. Par exemple Rose, la femme de Strickland, est impitoyablement dépeinte, petite bourgeoise rêvant à l'art, mais un art policé, tenu dans les limites de dîners mondains feutrés, et à qui son mari, une fois mort, offre un sujet de délectation, pouvant être gentiment accroché aux murs en reproduction, en passant à côté de toute la force brutale contenu dans ses toiles.

J'ai en revanche été moins convaincue par le personnage du grand peintre, dont Gaugain semble avoir été la source d'inspiration. Déjà son passage du personnage falot philistin, à celui du sauvage à la barbe rousse, du jour au lendemain, ne me semble pas suffisamment explicitée. Ensuite l'outrance permanente du personnage, de même que le regard que le narrateur porte sur lui, critique mais amusé, tient parfois un peu de l'anecdote croustillante, un grand artiste est forcément un sauvage sans foi ni loi. Il y a aussi une misogynie permanente, aussi bien dans les propos de Strickland, que dans le regard du narrateur, bien que cette dernière soit un peu plus policée, un peu plus caché derrière des phrases moins brutales à première vue. On aurait du mal à écrire cela aujourd'hui de cette façon.

Cela dit, la deuxième partie du roman m'a semblé plus convaincante, avec des pages sur le saisissement de l'art, sur sa force d'entraînement, sur l'absolu nécessité du geste créateur, en dehors de toute forme de reconnaissance, des avantages matériels. Une forme de mystère aussi, pourquoi certains sont poussés par une impulsion irrésistible à se réaliser dans la création, à dynamiter les représentations antérieures au nom d'une autre vision des choses qui apparaît ensuite comme évidente.
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