Le narrateur, écrivain de son état, nous détaille ses rencontres avec un personnage hors norme, Charles Strickland, agent de change qui du jour au lendemain a tout abandonné, sa vie professionnelle, sa famille, le confort d'un intérieur cossu, pour tenter sa chance en tant que peintre, à Paris d'abord, en Polynésie ensuite. Sans aucun succès, mais après sa mort ses tableaux sont devenus recherchés et hors de prix. le narrateur a eu l'occasion de l'approcher dans des moments de crise, comme lorsqu'il est allé tenter de le convaincre de revenir à son foyer, mandaté par l'épouse abandonnée. A travers le personnage de Strickland, qui semble brutal et égoïste, dans sa recherche d'un je-ne-sais quoi qui lui fait piétiner toutes les normes sociales et tout ce que l'on considère comme les relations humaines acceptables, le narrateur semble vouloir cerner le sens du choix d'être artiste, la nécessité de créer, de rechercher un absolu de l'art, à n'importe quel prix et par n'importe quel moyen. Comme une nécessité absolu, plus forte que n'importe quel impératif d'un autre ordre.
Il y a sans aucun doute des moments très justes et très convaincants dans ce roman, mais je dirais plus dans la description de certains personnages secondaires. Par exemple Rose, la femme de Strickland, est impitoyablement dépeinte, petite bourgeoise rêvant à l'art, mais un art policé, tenu dans les limites de dîners mondains feutrés, et à qui son mari, une fois mort, offre un sujet de délectation, pouvant être gentiment accroché aux murs en reproduction, en passant à côté de toute la force brutale contenu dans ses toiles.
J'ai en revanche été moins convaincue par le personnage du grand peintre, dont Gaugain semble avoir été la source d'inspiration. Déjà son passage du personnage falot philistin, à celui du sauvage à la barbe rousse, du jour au lendemain, ne me semble pas suffisamment explicitée. Ensuite l'outrance permanente du personnage, de même que le regard que le narrateur porte sur lui, critique mais amusé, tient parfois un peu de l'anecdote croustillante, un grand artiste est forcément un sauvage sans foi ni loi. Il y a aussi une misogynie permanente, aussi bien dans les propos de Strickland, que dans le regard du narrateur, bien que cette dernière soit un peu plus policée, un peu plus caché derrière des phrases moins brutales à première vue. On aurait du mal à écrire cela aujourd'hui de cette façon.
Cela dit, la deuxième partie du roman m'a semblé plus convaincante, avec des pages sur le saisissement de l'art, sur sa force d'entraînement, sur l'absolu nécessité du geste créateur, en dehors de toute forme de reconnaissance, des avantages matériels. Une forme de mystère aussi, pourquoi certains sont poussés par une impulsion irrésistible à se réaliser dans la création, à dynamiter les représentations antérieures au nom d'une autre vision des choses qui apparaît ensuite comme évidente.
Commenter  J’apprécie         183
Maughan Somerset
La lune et soixante-quinze centimes
J'ai bien aimé l'écriture et l'histoire aussi, peut-être ne suis-je pas sur la bonne voie, mais ce que j'en retire c'est que chacun au fond de soi peu espérer autre chose, un changement total de sa vie mais s'il le fait trop tard, ce sera à l'excès(c'est ce qui se passe ici), et je pense que cet homme est pris par sa passion qui le dévorait sans doute auparavant mais qu'il ne pouvait exprimer et le remords de ne pas l'avoir fait plus tôt, une forme de culpabilité aussi par rapport à ce qu'il laisse derrière lui d'où cet façon de vivre, cette violence dans ses rapports avec la société et les autres et par la même une forme de destruction.
Quatrième de couverture
Pour une femme qui cherchait à se faire une situation dans le monde des lettre et des arts, ce mari n'offrait rien de flatteur….rien de saillant ne sauvait de la banalité ce personnage certes irréprochable mais désespérément quelconque….
Un jour pourtant, l'insignifiant Charles Strickland abandonne femme et foyer et part pour Paris, commence une carrière de peintre et se révèle un être énigmatique, fantasque et parfois odieux.
Misogyne, cruel envers soi et envers les autres, il sacrifie tout à une oeuvre vouée à l'incompréhension des contemporains, traitant avec un égal mépris ceux qui l'aiment et ceux qui le haïssent, exerçant sur tous une inexplicable fascination.
Séduit moins par l'artiste que par l'homme, l'auteur trace de ce personnage un portrait que la banalité des personnages environnants rend plus étrange encore
La finesse d'écriture et la concision d'anecdotes exemplaires donnent au roman une allure de mondanité t de bizarrerie qui s'accorde parfaitement avec le sujet
Commenter  J’apprécie         41
Pourquoi les femmes charmantes épousent-elles toujours des hommes insignifiants? Parce que les hommes intelligents n'épousent pas les femmes charmantes.
La beauté, c'est quelque chose de rare, de merveilleux, que, dans le tourment de son âme, l'artiste extrait du chaos universel. Et, quand elle est créée, il n'est pas donné à tous de la voir.
Grotesque malentendu que de voir dans l'art un artisanat qui ne serait parfaitement intelligible qu'au seul artisan qui le pratique : l'art est une manifestation d'émotion et l'émotion parle une langue que tous peuvent comprendre.
J'ai l'idée que certains hommes ne naissent pas au bon endroit. Dans le coin du monde où le hasard les a jetés, ils gardent la nostalgie d'un chez-soi inconnu.
Il est faux que la souffrance ennoblisse le caractère ; le bonheur produit parfois cet effet, mais, la plupart du temps, le malheur rend l'être humain mesquin et vindicatif.
"Servitude humaine"
Livre vidéo.
Non sous-titré. Non traduit.