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Critique de PhilippeCastellain


Certains écrivains, c'est bien connu, furent totalement snobés par leurs contemporains et connurent une grande gloire posthume. Mais il y en a d'autres pour qui ce fut totalement l'inverse : riches et honorés de leur vivant, totalement oubliés quelques décennies plus tard. Somerset Maugham n'en est pas encore là, mais il est certain que la notoriété de celui qui fut l'un des écrivains les plus lus de l'entre-deux-guerres décline lentement et sûrement. C'est d'ailleurs par pure hasard que je suis tombé sur ‘La passe dangereuse'.

Nous sommes dans la concession britannique de Hong-Kong, aux alentours de 1920. Kitty Fane, jeune et très jolie femme fraichement débarquée d'Angleterre, y a suivi son mari récemment épousé. Elle ne l'aime pas, ce Walter Fane, et elle ne l'a jamais aimé. Il est bactériologiste – peu importe en quoi ça consiste, visiblement ce n'est pas très prestigieux. Il danse mal, sa conversation est ennuyeuse, il ne pratique pas le polo ; bref il est épouvantablement rasoir. Mais voilà, elle vieillissait – 25 ans déjà ! – et sa petite soeur, pourtant beaucoup moins jolie et spirituelle, venait tout juste de se caser avec le fils d'un baronnet. Alors quand ce bonnet de nuit lui a soudain déclaré sa flamme, ma fois elle n'a pas fait la fine bouche.

Aussi, en arrivant à Hong-Kong, Kitty ne s'est pas franchement sentie coupable de commencer à tromper son terne mari avec le jeune et bel adjoint du chef de la légation, promis à un grand avenir, toujours vêtu avec élégance et à la moustache impeccable. Tout s'effondre le jour où son époux les surprend. Il lui offre alors un marché en apparence honnête : soi elle convainc son amant de divorcer pour l'épouser, soi elle retourne chez sa mère divorcée et humiliée… Soi elle l'accompagne dans une ville chinoise où le choléra fait des ravages et où il vient de demander de partir en tant que médecin.

Derrière ce canevas un peu vaudevillesque, le grand talent de Somerset Maugham consiste à nous plonger totalement dans la tête de Kitty, puis de même dans celle de Walter. On voit le monde à travers leurs yeux, on comprend leur logique et leur façon de fonctionner, en fonction de leurs éducations et de leurs expériences. de même il nous immerge dans cette Chine qui n'est pas vraiment une colonie, pas vraiment un état souverain, archaïque ou intemporel, on ne sait pas trop. Une poignée d'Européen s'y décarcasse pour sauver des vies, pendant que les légations mènent leur petite vie de mondanités et de parties de polo.

Beaucoup de psychologie dans ce livre, et une impressionnante analyse sociale. Une excellente surprise, et un écrivain dont je compte bien approfondir ma connaissance.
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