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Critique de zara2strass


A ceux qui se croisent

Désolé ! Oui désolé pour toutes celles et ceux, se prétendant critiques averti(e)s, qui sont tout simplement passé(e)s à côté de ce beau livre, cherchant les fils directeurs auxquels ils sont puissamment ficelés tout en vilipendant les machines de guerre marketing des grands éditeurs, auxquelles ils sont, n‘est-ce pas, beaucoup trop intelligents pour se laisser prendre.
« Trop de pages pour eux... » disent-ils. Ils se sont ennuyés, les pauvres chéris. « Trop de notes ! Mon cher Mozart », se serait exclamé l'empereur Joseph II.
Oui. L'ouvrage de Pauline Maurenc est puissamment construit et très bien écrit.
Oui. Beaucoup de personnages, beaucoup d'histoires, beaucoup de pages... de vie.
Oui. Il demande un peu de fraîcheur d'esprit ou, si l'on préfère, d'humilité.
Du haut de leur puissant jugement, certaines ou certains y ont vu du Musso, du Levy, ou , insulte suprême, du « Clayderman ». D'autres ont voulu s'interroger. Est-ce une histoire de reconstruction personnelle ? Ou une histoire d'amour ? Où est la tragédie du divorce s'il n'y a pas d'enfants malheureux ? Comment peut-on entrer dans la peau d'une héroïne qui se fait offrir une Jaguar E et ne tombe amoureuse que d'hommes pétés de thunes ?
Où sont les poncifs bobos qu'on aime ? Les gens comme moi ? le pays niçois auréolé d'huile d'olive et de grains de sable qui collent à la peau sur les plages ? Les séducteurs en scooter ? le rap qui distille bourgeoisement son mépris ?
Pour ma part, trop malhabile pour être aussi catégorique, je me suis contenté de savourer. D'abord l'idée d'une construction et non d'une simple reconstruction. La rédaction du livre à la première personne est déjà une gageure. Tout au long du livre, Lucy se construit, dès la première page. C'est ce qui donne cette impression de fourmillement de personnages et d'heures qui passent, de vie. C'est la centralité du personnage qui dit « je », qui fait cet effet kaléidoscope dans lequel certains se perdent, pour ma part avec délice. Tous ces personnages qu'on croise sur différents plans, dans des effets de proximité et de distance. le mari, la meilleure amie, les amis de la bande, la copine boulangère, le père révolté, la mère, l'amant, sans oublier une chamane aux chakras puissants. le « je » qui voit tout et qui ne voit rien parce qu'il ne s'avoue rien, ce point de vue sincère, exigeant, difficile, c'est celui que j'aime.
Le mari, protecteur, ce con. Pétri de valeurs démodées, Riche, puissant, volage, vulgaire. Mais bon fond. La meilleure copine, dans son rôle de salope ordinaire. La mère aussi directive qu'inadaptée. La belle-mère, une vraie chrétienne et l'amant, un chef d'oeuvre, celui-là. Buriné. Célèbre. Inabordable. le pape de la culture internationale. le Monsieur qui choisit, qui sacrifie, qui scarifie. Car ce livre, moi, je l'ai lu comme on parcourt un chemin initiatique, celui d'une vie, de ses épreuves et sacrifices. Qui commence aux pulsions de l'école primaire, pour vous lâcher puis vous reprendre par surprise, sans qu'on l'ait vraiment voulu. Par les failles qu'on a.
Elle en a des failles, Lucy et pour commencer, elle est obligée de fermer sa gueule, comme dans toute bonne initiation qui se respecte. Elle se dépote de son terreau bourgeois-province-friqué-vulgaire pour tenter le marais new-yorkais, ses marginaux, ses voisins de rien, son « nulle part ». Elle fait le deuil de ce qu'elle n'a pas voulu être et de ce qu'elle n'a pas voulu voir.
Et l'amant ? L'étranger, le nomade, l'ange exterminateur, où le rencontre-t-elle ? Au cimetière, non pas un cimetière anonyme, celui de Nice, où l'on est entre soi, en famille. Et sur quelle tombe ? Sinon la sienne, celle de Lucy elle-même...
L'amant... Piège ultime ? L'amant de pierre, qui renvoie Lucy à elle-même, avec Les mots de la noblesse sentimentale la plus pure et qui sont aussi pourtant ceux de l'amour con-con. IL en fait tout un plat, l'amant, de la cucuterie. Et il fait à Lucy cet ultime cadeau : l'intégrité ? la solitude ?
Bonne lecture !
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