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Critique de madameduberry


Une formidable biographie, qui possède aussi la grâce de l'écriture. André Maurois transporte ses lecteurs à l'époque où les destins se faisaient et se défaisaient sur les champs de bataille autant que dans les antichambres, où la France fut constamment en guerre et où les officiers sortis du rang devenaient gouverneurs, ducs, princes, rois.. dans des pays crucifiés par l'occupation napoléonienne.Il nous décrit les nuances du personnage paternel, Léopold, à la fois militaire et poète, sensuel et sentimental, homme dominateur comme il se faisait de son temps et pourtant généreux par moment.Il nous fait revivre la détresse du tout jeune enfant Victor, brusquement privé de sa mère, la mal mariée Sophie Trébuchet, puis traversant par quatre fois la France entière en diligence, visage collé à la portière, apercevant des scènes sanglantes hallucinantes à la Goya, pour rejoindre son père en poste dans l'armée. Il nous montre par ses yeux la sombre Espagne, bourdonnante de prières et de complots contre l'oppresseur, mais corsetée dans le vertugadin de la tradition, garrotée par son terrible catholicisme, et malgré cela soulevée par un souffle épique que Victor Hugo recréera dans son théâtre.
Ayant pour père l'image d' un héros magnanime mais repoussé en tant qu'homme par une mère adorée, Hugo et ses deux frères n'eurent guère l'occasion, sauf très jeunes, d'avoir un papa. Ils pâtirent directement de la mésentente conjugale, qui se concrétisa côté paternel par l'usage d'une maîtresse, finalement épousée après deux décennies. Côté maternel, l'idylle de Sophie avec un beau militaire eut une fin tragique, puisqu'il fut exécuté pour trahison et complot visant l'empereur.
Auprès d'une mère aimante à la solide personnalité, mère, à qui la justice les avait confiés, les trois frères Hugo, qui avaient malgré ce été soumis à la puissance paternelle, et comme tels enfermés pour deux d'entre eux dans un de ces pensionnats où la violence s'exerce librement, devinrent les héros et les princes de cette prison, et comme toute la famille Hugo, écrivirent des vers, avec quelques succès, puisque Victor à 14 ans fut couronné par deux académies, et présenté à Chateaubriand, empereur des Lettres jouissant de son vivant d'autant de prestige que Voltaire, mais quelque peu hautain et difficile à aborder.Celui qui servait de modèle au jeune Hugo qui enfant voulait être "Chateaubriand ou rien".
Celui-ci lui fit l'extrème honneur de le recevoir totalement nu, à son petit lever, entre bain, rasage et friction.
Les trois frères s'occupèrent, en adolescents formés à tous les travaux d'entretien et de réparations domestiques, du foyer maternel et de la mère aussi, qui ne refit jamais sa vie , et expira dans leurs bras. Ayant un père désormais demi solde, appauvri par la Restauration et ayant pour compagne une femme jalouse de son passé, ainsi qu'une soeur haïssant Sophie comme sa progéniture, Victor Hugo entre dans l'âge adulte au bras d'Adèle, compagne de jeu du vert paradis de l'enfance, dans l'impasse des Feuilllantines.
Je n'irai pas plus loin dans le récit de cette biographie, qui se poursuit bien sûr avec les années de maturité puis de vieillesse.
Ce qui me paraît important pour en parler d'une manière qui lui rende vraiment justice, c'est le pouvoir d'évocation d'une écriture simple, classique, mais parfaitement maîtrisée et nuancée. Une écriture capable de précision quand il le faut et aussi porteuse d'une grâce elliptique, une écriture élégante mais aussi adaptée au réalisme de certaines scènes décrites. Une écriture qui est au plus près des tourments de l'enfance et de l'adolescence quand cela est nécessaire. Une écriture qui laisse une place pour un humour à l'anglaise, au décours d'un croquis de personnage secondaire. le style d'André Maurois est de ne pas laisser apparaître qu'il en a.
Sur le plan des sources biographiques, il y en a , notées en bas de page, mais pas trop. le personnage principal n'est donc pas noyé sous l'érudition de ses commentateurs.
Enfin, détail important pour l'amatrice de biographies que je suis, Maurois ne tombe jamais dans la psychobiographie et ses dangers réducteurs. Cependant, à travers son écriture et ses choix scénographiques pour évoquer les premières années du poète, il en éclaire l'oeuvre parfois d'une façon quasiment psychanalytique.
il a su restituer l'humus de l'enfance et de la jeunesse de Victor Hugo si bien qu'on respire avec lui l'odeur magique du jardin des Feuillantines comme celle des auberges meublées de buffets noirs sculptés en Espagne, on comprend mieux aussi les engagements successifs de Victor Hugo, et notamment celui contre la peine de mort..
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