L'Ouest américain et ses images d'Epinal… ses tribus Indiennes, ses cow-boys solitaires chevauchant au coucher du soleil et ses immenses prairies parcourues de dizaines de millions de bisons…
Dizaines de millions ? Chiffre valable avant le plus grand massacre jamais orchestré contre une espèce animale, c'est à dire avant la seconde moitié du XIXème siècle, et dont ce curieux récit constitue un témoignage précieux.
Franck Mayer était un jeune aventurier, décidé à avoir sa part d'émotions fortes et si cela était possible, de gagner rondement sa vie. En cette époque de transition où la frontière était sur le point de disparaître, l'essor de l'industrie et de la civilisation telle qu'on l'envisageait, à l'est et au nord, menaçait la grande faune sauvage et le mode de vie des tribus indiennes encore libres.
Les coureurs de buffalo comme ils se nommaient, et dont Mayer était le parfait représentant, ne s'encombraient guère de principes moraux, et puisque l'armée et le gouvernement fédéral encourageaient cette chasse gigantesque, autant y participer. Les cartouches étaient fournies, et le marché pour les peaux de bisons, puis les os, était garanti.
Le récit de Mayer débute un peu à la manière des mémoires de Jack Crabb (Little Big Man). Un langage simple, un humour cynique et un déroulement des faits exposés dans leur plus grande simplicité, qui ponctuèrent la vie du narrateur. Mais nous ne sommes pas dans un roman, ce n'est pas une fiction (le récit a été publié aux USA en 1958 à titre posthume), et le massacre des bisons a bel et bien eu lieu. A la fin du XIXème siècle, il restait moins de 1000 animaux ! C'est dire l'ampleur de la tuerie…
Franck Mayer décrit admirablement la mécanique d'une telle opération, sans états d'âme, sans remords ni regrets. C'était juste un moyen de se faire de l'argent et de vivre librement, en attendant quelques aventures (la charge d'un troupeau, des escarmouches avec des Indiens…) propres à pimenter l'existence et qui nourriraient les conversations autour du feu de camp pendant de longs mois.
Cette indifférence glacée, cet égoïsme forcené (Mayer reconnait bien volontiers que derrière le massacre des bisons, le gouvernement travaillait à obtenir la soumission totale des indiens…) sont accablants et témoignent de ce penchant naturel de l'homme, cette volonté d'anéantir ce qui le gêner, de briser ce qui lui résiste, et de ne jamais penser aux conséquences de ses actes.
On me rétorquera que la faute est collective, des types ordinaires, l'armée, le gouvernement fédéral… et que l'histoire finit bien puisque le bison ne s'est pas éteint. Mais l'histoire se répète, aujourd'hui, ici et ailleurs, sur d'autres espèces animales. Et nous sommes tous, à nouveau, responsables.
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