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Critique de fbalestas


Lorsqu'Eleanor voit cette vieille ferme perdue au milieu de nulle part dans le New Hampshire, c'est un véritable coup de foudre.

Orpheline depuis l'adolescence, après un accident de voiture ayant coûté la vie à ses parents, elle vit de ses dessins : une série de « Body» qui lui permet de vivre sans sortir de chez elle.

« La maison était petite, ce qui lui plaisait. Celle de son enfance était grande et elle s'y sentait seule. Quand elle aurait des enfants, elle les garderait près d'elle ». Et c'est précisément ce qu'elle va faire.

Avec un chien nommé Charlie, des voisins sympathiques que sont Edith et Walt – vaguement amoureux d'elle mais qui n'ira jamais jusqu'à le lui dire- elle rencontre aussi Darla, une voisine un peu plus éloignée, qui subit les violences conjugales de son mari, et parle de s'enfuir quelque part, sans jamais vraiment y parvenir. Darla deviendra vite son amie.

A l'occasion d'une foire artisanale en Avril, elle croise la route de Cam, un homme roux d'un mètre quatre-vingt-dix, dont l'activité consiste à tourner des bols en loupe de bois. C'est encore un coup de foudre réciproque. Ils se marient en Août.

Commencent alors les années de bonheur pour Eleanor qui va rapidement tomber enceinte de sa fille – Allison – puis très vite ensuite d'une seconde fille – Ursula – et enfin d'un fils – Toby – pour compléter la famille. Cam est un père très aimant, qui adore ses enfants et s'occupe d'eux autant que possible.

Cela pourrait donc être le récit de la maison « Où vivaient les gens heureux » et s'arrêter là.

Sauf que rien ne va plus se passer comme on l'imagine, et que cette famille va tourner au fiasco. Un drame va sceller la fin de la période heureuse de cette maison, et rien ne sera plus comme avant à partir de cette date.
Je n'en dirais pas beaucoup plus de l'histoire décrite en 546 pages, si ce n'est pour s'arrêter un temps sur cette chronique d'une femme vivant des années 70 à nos jours, sur fond d'évolution de la société américaine en parallèle.

Il faut dire que si le personnage d'Eleanor est très attachant – une femme courageuse, travailleuse, qui veut vraiment le meilleur pour ses enfants – celui de Cam son mari, l'est nettement moins. Notamment lorsque, comme cela peut arriver dans tout couple, il s'éprend d'une autre femme, beaucoup plus jeune et plus jolie que la sienne.

Oui mais voilà : ce sera Eleanor qui quittera la maison (et bien sûr il lui en coûtera beaucoup), rien ne sera dit au départ aux enfants sur la liaison qu'entretient leur père avec leur baby-sitter Coco. C'est Eleanor qui va passer pour la méchante, la briseuse de rêve, celle qui laisse seul un mari éploré … qui bien sûr n'aura de cesse d'être consolé rapidement.
Lorsqu'Eleanor réalisera le piège dans lequel elle s'est elle-même fourvoyée, par amour pour ses enfants et pour ne pas briser l'image paternelle, il sera trop tard. Et lorsqu'elle annoncera à contretemps à l'une de ses filles la vérité sur cette situation, l'effet sera dévastateur et se retournera contre elle.

Joyce Maynard excelle à raconter la vie au quotidien d'une femme d'aujourd'hui confrontée aux bouleversements de la société. Au début du récit elle raconte le viol quotidien du frère de sa meilleure amie Patty, qui avait invité l'orpheline à passer quelques temps en famille, viol qui conduira jusqu'à l'avortement clandestin, et son incapacité à en parler.

Plus tard ce sera Darla qui essayera de quitter son mari… et qui en subira les conséquences immédiates.

Et enfin c'est Eleanor qui « faisant bouillir la marmite » familiale, se trouve aux prises avec les difficultés financières, tandis que Cam se contente de tourner ses bols en loupe de bois dont presque personne ne veut.

Avec nos yeux de 2022, on enrage de la voir vivre cette vie de rêve, et tout perdre suite au drame dont elle va souffrir. Mais elle est comme ça, Eleanor : débordante de vitalité, aimant ses enfants plus que tout, retraçant son bonheur et ses malheurs dans des petits dessins, survivant malgré tout.


Un très beau personnage de femme moderne, imaginé par une Joyce Maynard dont j'avais déjà apprécié « de si bons amis » que j'avais chroniqué, et « Les filles de l'ouragan » très réussi aussi, mais qui là confirme son talent à comprendre les femmes dans toute leur complexité.

Probablement, comme l'ont dit les critiques américains et français, son meilleur roman.
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