AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de JustAWord


Après la réédition de Zephyr, Alabama l'année dernière, voici que Monsieur Toussaint Louverture nous offre un inédit de l'écrivain américain Robert McCammon… et quel inédit !
Plus de 1000 pages scindées en deux tomes au format semi-poche dans un packaging pulp à l'ancienne, voici Swan Song, le magnus opus post-apocalyptique de l'auteur initialement publié en 1987 et lauréat du Bram Stocker Award. de quoi vivement titiller l'attention des lecteurs friands d'apocalypse et qui n'ont pas froid aux yeux !
Retour en pleine guerre froide aux États-Unis alors que l'escalade entre les deux blocs gagne encore en intensité…

L'équilibre de la Terreur
Premier chapitre et la messe est dites.
Le président des États-Unis et ses conseillers n'ont aucune envie de laisser les Russes imposer leur loi et il est temps de montrer les muscles à ces satanés soviétiques.
Mais cette fois, les choses vont mal tourner. Très mal tourner.
Nous sommes un 17 juillet et divers personnages vaquent à leur occupation habituelle. Sister Creep, une clocharde, erre dans un New-York ravagé par la pauvreté et le crime. Roland Croninger et sa famille arrivent dans un abri nucléaire construit au coeur d'une montagne et sous le commandement d'un ancien héros de guerre reconverti en survivaliste, le colonel Macklin. Swan et sa mère quant à elles prennent la tangente après un énième épisode de violence conjugale… Et Josh Hutchins, le Frankenstein Noir, catcheur renommé et père de famille, fait route vers un nouveau combat dans un bled paumé.
Nous sommes le 17 juillet et pour l'humanité, c'est la fin.
Les missiles nucléaires sont lancés, les champignons atomiques rasent les grandes villes et les bases militaires, puis s'attaquent à l'arrière-pays.
Rideau.
Ou presque.
Car comme dans toute bonne histoire post-apocalyptique, la fin n'est que le commencement alors que les survivants émergent du chaos laissé par l'holocauste nucléaire. Sister, Swan, Josh, Roland, Macklin… voici les noms de ceux dont Robert McCammon va nous parler pendant plus de mille pages. Mille pages de morts, de sacrifices, d'hiver nucléaire, de survie, de peine… mais aussi d'espoir.
Swan Song a beau se dérouler après la fin, dans un monde rongé par la radiation et accablé par un hiver nucléaire impitoyable, il semblerait que la vie n'ait pas dit son dernier mot.

Le Diable vous regarde
Cette énorme aventure ne vous laissera pas de temps mort. Découpé en chapitres courts et nerveux, Swan Song est pensé comme un page-turner du début à la fin, avec sa dose de cliffhangers et de morts inattendues pour relancer le suspense. Nous sommes en effet dans un registre pulp à l'ancienne avec des héros confrontés à des situations qui n'ont rien de joyeuses, au contraire. Swan Song est avant tout un roman de son époque, marqué à la fois par la guerre froide (les Russes sont les grands ennemis) et par la terreur de l'arme atomique (et leur contrôle par des gens au sang froid tout relatif). Mais ce n'est pas tout puisque rapidement, Robert McCammon va renouer avec des valeurs traditionnelles à l'américaine, comme la famille et la religion, pour capter une époque toute entière, un peu comme il l'avait fait dans son sublime Zephyr, Alabama.
Comme dans ce dernier, l'américain applique une couche de fantastique (et d'horreur) sur son récit pour transformer son survival en parabole quasi-biblique. Swan Song, c'est avant tout l'histoire d'une seconde chance donnée à l'humanité, un combat entre le Bien et le Mal pour savoir si, au fond, nous méritons vraiment ce nouveau départ.
Il ne faudra dès lors pas être surpris que les éléments surnaturels montent en puissance tout du long, d'un étrange anneau de verre aux pouvoirs fascinants aux perceptions plus-qu'humaines de Swan en passant par ce qui a tout l'air d'être le Diable en personne (et qui aime visiblement beaucoup le cinéma et le pop-corn au beurre).
C'est donc à la fois une aventure humaine et mythique qui attend le lecteur. Pendant longtemps, et pour tout dire pendant la majeure partie du premier volume, Swan Song est un road movie post-apocalyptique dans des paysages ravagés où l'humanité agonise… et continue joyeusement de s'entretuer pour amasser le plus gros paquet de ressources possible.
Très noir et ne reculant pas devant quelques passages bien gores par la même occasion, le roman n'en oublie pas de creuser ses personnages qui, de gentilles caricatures vont bientôt devenir d'attachantes figures (ou de repoussantes ordures, c'est au choix) afin de lier et rassembler ensemble les destins contés ici.
Car Robert McCammon a un plan, forcément, et il passe par de multiples épreuves pour les restes de l'humanité.

Et la lumière au bout du tunnel
En somme, Swan Song peut être vu comme un test pour les hommes.
Après l'apocalypse nucléaire, nous voici devant une humanité mise à nu, traînée dans la boue et qui va devoir choisir entre la lumière ou la fange.
Très manichéenne la plupart du temps, l'histoire va petit à petit chercher à nuancer ses personnages afin de s'articuler autour de la figure centrale de l'Élue, une femme, la fameuse Swan du titre. Chose assez rare à l'époque pour être mentionnée d'ailleurs, c'est la gente féminine qui fait les trois quarts du boulot. Si bien que McCammon montre, sans le dire explicitement, que la dernière chance de l'homme, c'est surtout la femme.
Les références religieuses et mystiques sont nombreuses, tiraillées entre citations bibliques et cartes de tarot. Après le feu et le jugement dernier, voici donc la dernière possibilité de rédemption, celle de s'entraider pour faire émerger de nouvelles pousses d'un sol ravagé… au lieu de s'armer de nouveau pour reconstruire les sanglants travers du passé.
Rarement les conséquences d'un holocauste nucléaire auront été aussi minutieusement décrits, avec les conséquences autant physiques que environnementales, traduisant une peur toujours présente à l'heure actuelle, marque consciente d'une fin à quelques battements d'aiguille sur l'horloge de l'apocalypse.
Finalement, ce qui surprend le plus dans Swan Song, c'est qu'au milieu de toute cette gangue d'apparence très désespérante, se niche de brillants morceaux d'espoir, de beauté et d'humanité. Ces éclats qui iront crescendo au fur et à mesure du voyage des personnages et qui permettent de transformer cette épopée de fin du monde en une renaissance qui redonne la foi en l'être humain.
C'est un peu magique et finalement très efficace pour le moral, comme si Robert McCammon avait prévu que nous aussi, en 2023, nous aurions besoin d'un nouvel espoir.

Diablement addictif et complètement envoûtant, Swan Song mise sur le post-apocalyptique et l'horreur pour juger l'homme une bonne fois pour toute. Voilà une lecture qu'on recommandera chaudement à ceux qui cherchent une aventure dense et ample où le Bien et le Mal n'ont pas dit leur dernier mot.
Lien : https://justaword.fr/swan-so..
Commenter  J’apprécie          393



Ont apprécié cette critique (34)voir plus




{* *}