Jane avait quitté Traquair House dès les premières lueurs du jour et chevauchait à présent en compagnie de sa fidèle servante et amie Cecilia. À la faveur du silence qui s'était peu à peu installé, la jeune femme revint en pensée sur son premier réveil dans l'Écosse du XVIIIe siècle.
Au moment de s'habiller, l'aide apportée par sa femme de chambre l'avait embarrassée, même si elle comprenait que c'était là un réflexe conditionné de femme du XXe siècle. D'autant qu'elle n'aurait pu attacher son corset doté de véritables fanons de baleine sans le secours de Cecilia. De nouveau, le miroir lui avait présenté le reflet d'une aristocrate terrorisée par le sort réservé à son mari. Tout indiquait que ce dernier était incarcéré à la Tour de Londres.
Quitte à mourir, autant rendre l'âme sur le champ de bataille, fourbu et couvert de sang, mais dévoré par d'ardentes convictions, en proclamant le nom du roi légitime !
Non, Winnie. Cela fait des années que je suis une écharde dans la chair de la Couronne protestante. Tout serait beaucoup plus simple si elle n'était pas obligée de parlementer avec un fervent catholique qui vit dans les Marches écossaises.
Pourquoi diable s'était-elle imaginé que les femmes de cette époque étaient des créatures effacées, condamnées à vivre en retrait, dont la principale préoccupation était le mariage ? [...] Non, les femmes du temps des Nithsdale savaient exactement comment influer sur le jeu social tout en œuvrant à couvert d'une société raffinée qui n'omettait jamais de prendre le thé à 17 heures.
C'est votre subconscient, j'imagine, qui vous met en garde contre ce qui vous semble trop simple, trop parfait, trop facile. Sans doute pensez-vous que l'amour dont vous rêvez devrait se faire désirer un peu plus, que vous devriez vous battre pour l'obtenir, prendre des risques.
Robin lui fit soudain penser à un de ces lutins espiègles des contes populaires qui harponnent leurs victimes au moyen de pseudo-vérités à base de jeux de mots.