Un très bon roman, qui démarre comme une histoire d'horreur et devient de plus en plus accrocheur.
En plus de l'humour frais et du ton "ado", le livre se démarque par le côté très travaillé et pensé de sa mythologie. On n'est pas là juste pour flipper mais aussi pour découvrir et comprendre.
Mais surtout, l'auteure utilise des parallèles cachés pour donner du coeur à son texte. Cet argument est bourré de spoilers qui dévoilent l'intrigue, donc je cache :
Tout d'abord, le métier de la mère n'est pas choisi au hasard : infirmière néonatale, elle aide les âmes qui arrivent dans notre monde, tandis que sa fille aide les âmes qui le quittent. Cette symétrie pousse à comparer les deux missions aël-mat / infirmière. Que nous dit le livre sur le métier d'infirmière ? Qu'il occupe (presque) tout le temps de la mère, qu'il l'épuise, mais qu'il lui apporte une grande satisfaction. C'est ce qui fait peur à Sunshine. Déjà marginale, elle a peur de devenir comme sa mère, solitaire à cause de son travail, épuisée par sa mission. Le côté libérateur, elle ne le découvrira qu'à la fin, lorsqu'elle libérera l'âme d'une personne âgée... dans l'hôpital de sa mère ! Ce lieu où la mort et la vie se croisent va réunir leurs deux missions et re-sceller leur lien.
L'auteure donne donc toute sa force à cette mission d'aël-mat en la connectant à une chose réelle que nous connaissons : le médical. Inversement, le livre peut se lire comme un message d'amour aux travailleurs de la santé. Leur métier est dur, merveilleux, indispensable.
Le deuxième parallèle est un peu tiré par les cheveux, mais je tente l'analyse : cette épreuve que doit traverser Sunshine, et si c'était celle de la maternité ? Élue par le simple fait de son adolescence, elle doit accepter une responsabilité qui met la vie d'une innocente (la petite fantôme / son enfant à naître) entre ses mains. "Aël-mat" ressemble alors à un anagramme incomplet de "maternel". Le mot breton signifie "ange gardien" et quel meilleur ange gardien qu'une mère aimante ?
Cette maternité se manifeste au début par des nausées, des sensations lointaines qu'elle est seule à percevoir, puis un lien unique avec l'enfant qui se développe jusqu'à ce qu'elle se matérialise totalement à la fin. L'exorcisme final fait alors office d'accouchement où malgré les conseils et les préparations tout doit s'improviser. Nolan le "protecteur" agit en père et permet de transformer cette expérience traumatisante en feu d'artifice. Après un passage obligé à l'hôpital, la famille revient au foyer saine et heureuse.
Dans ce parallèle, la prof est une ex-aël-mat, une ex-mère car son enfant est décédée et qu'elle a alors refusé son rôle maternel. Sans enfant, elle ne peut plus être une aël-mat. Elle acceptera quand même de guider Sunshine, qui ne peut pas l'être par sa mère adoptive qui n'a jamais eu d'enfant et ne peut donc la conseiller, d'où la distance qui va se placer entre elles. La prof, en tant que femme, ferait d'ailleurs un meilleur mentor que cet homme absent qui voit l'accouchement comme une simple épreuve. Il observe de loin, en silence, rejetant entièrement le rôle de parent sur Sunshine. Après que l'eau et le sang aient coulés, tout rentrera dans l'ordre.
C'est tarabiscoté, mais la manière dont Sunshine aborde sa mission (difficile à accepter et à vivre pour le corps et l'esprit, responsabilité lourde, besoin de conseils, etc.) colle parfaitement. Je pense que l'auteure a utilisé ce parallèle pour donner à ce rôle fantastique d'aël-mat un goût réel et prenant qui déclenche une empathie dans la lecture.
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