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Critique de Ingannmic


Belfast, années 90.

Jake, le narrateur, traverse une mauvaise passe : il pleure Sarah, son amour parti, et travaille avec un dégoût croissant dans la "récupération" pour une société de recouvrement véreuse -c'est-à-dire qu'il prélève à leur domicile les biens de pauvres bougres incapables d'honorer leurs crédits-, entretient une relation conflictuelle avec son chat... heureusement, il y a les week-ends passés en virées dans les bars avec sa bande de copains, s'enfilant pinte sur pinte jusqu'à plus soif...

Parmi ces compères, Chuckie, l'unique protestant du groupe, qui revendique deux passions. La première, héréditaire, pour la célébrité (avec comme point culminant la fois où il est parvenu à se faire prendre en photo à proximité du pape), et la seconde pour l'argent. Il ne pense en effet qu'à s'enrichir, si possible sans trop se fatiguer, et par l'improbable pouvoir de sa simplicité -qui confine selon ses proches à la bêtise- sans complexe, grâce à son bagout, il semblerait bien qu'il ait trouvé le filon (dans un premier temps une fumeuse affaire de vente de godemichés par correspondance) lui permettant de réaliser son ambition... et il se paie de surcroît le luxe, en dépit de sa laideur, d'entamer une liaison torride avec une belle et intelligente américaine.

Autour de ces deux héros, une galerie éclectique de personnages secondaires -parmi lesquels une harpie catholique ou un gavroche des temps modernes dont la gouailleuse et imbuvable vulgarité dissimule le marasme qu'est son existence-, renforce l'énergique densité du récit.

"Eureka Street" est la chronique douce amère et pourtant désopilante de ces représentants d'une génération de nord-irlandais qui opposent leur volonté de vivre à l'absurde violence du terrorisme qui ponctuent leur quotidien avec une omniprésence qui finirait presque par la rendre banale... de leur jeunesse passée dans les quartiers ouvriers de Belfast, à louvoyer entre désoeuvrement, délinquance et débrouille, ils ont hérité d'un sens de la dérision devenu une seconde nature, qui tend à la fois vers le désespoir et l'instinct de survie. Mais jamais ils ne laissent paraître le moindre découragement, ni n'expriment la moindre morosité, malgré les fins de mois difficiles, et malgré les bombes qui viennent parfois rappeler de manière plus brutale, parce que plus meurtrière, une pseudo-guerre fratricide dont le sens s'est perdu pour la plupart des irlandais depuis longtemps.

Il faut lire "Eureka Street", roman drôle et généreux, où la violence et la misère ne parviennent pas à altérer le pouvoir de l'amour -pour la vie ou les copains, pour la ville qui nous vu naître et que l'on trouve toujours belle malgré ses trahisons, pour ceux dont on finit par accepter les détestables différences...- et de ses improbables manifestations...
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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