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Critique de Malise


Malise
22 décembre 2015
"Et tous mes amis seront des inconnus" est un road-movie littéraire aux accents autobiographiques mais aussi un roman initiatique, publié en 1972. Il relate quelques mois décisifs dans la vie d'un jeune écrivain qui arrête brusquement ses études, quitte la ville et l'Etat dans lesquels il a toujours vécu, voit son premier roman publié et se marie. L'action se déroule entre le Texas et la Californie au début des années 60.

Loin d'être un livre « drôle » comme le caractérise la quatrième de couverture, "Et tous mes amis..." est un livre que je qualifierai de mélancolique, ponctué de saillies truculentes, qui raconte l'errance d'un personnage mal dans sa peau. Balloté par les évènements et par les rencontres, de femmes surtout, qu'il fait tout au long de son périple, Danny, puisque c'est son prénom, ne sait pas ce qu'il veut ni où est sa place dans ce monde et il en souffre. Les aventures amoureuses dont il espère beaucoup, ne lui sont d'aucune aide même si certaines semblent l'apaiser pendant un moment. Personnage attachant, tendre et indécis, il lui arrive cependant de faire preuve d'une détermination inébranlable comme lorsqu'il se met à sa table de travail ou quitte une femme qu'il apprécie parce qu'il sait leur histoire sans issue. Si je devais établir un parallèle, en faisant fi des dates qui ne correspondent pas, je dirais que ces quelques mois dans la vie de Danny auraient pu être vécus par Benjamin Braddock (Dustin Hoffman) le héros du film "Le Lauréat", après sa fuite avec celle qu'il aime. Tous deux se sentent inadaptés face à la société qui les entoure et aux attentes d'adultes incapables de les comprendre. Et ce n'est pas la visite chez un vieil oncle nonagénaire qui guette le retour d'Emiliano Zapata avec son domestique mexicain pour poursuivre la révolution qui pourrait rassurer Danny ! Pas plus que sa rencontre avec un producteur de cinéma malheureux de devoir se conformer aux apparences ou ses incursions dans le monde de l'édition par le biais de son agent. Seul Wu, l'ami chinois qu'un exil forcé rapproche du jeune écrivain en mal du pays, lui offre une amitié sincère qui n'exige rien d'autre que le partage de quelques matchs de ping-pong et de quelques films dans un cinéma de quartier.

Ce roman captivant vaut aussi pour l'immersion dans la tête et les tourments d'un écrivain qu'il nous offre : la façon dont il travaille, dont il engrange des impressions et des expériences qui seront ses futurs matériaux et dont les doutes l'assaillent quant à ses qualités et à l'intérêt d'écrire quand tout l'a déjà été etc. « J'étais peut-être un vrai écrivain. Si je continuais mes efforts, je pourrais sans doute écrire aussi bien que n'importe qui, à part les génies. Je pourrais être meilleur que la moyenne. Je pourrais être un écrivain mineur. Avec beaucoup de chance, je pourrais – par le plus grand des hasards – écrire un bon texte, à un moment de ma vie, surtout si je gardais la forme en écrivant des livres corrects pendant une vingtaine d'années. Mais je finirais sans doute par rater le coche, moi aussi. Je me sentais déjà en train de le rater. Ma vie n'était pas une vie. C'était une sorte de long voyage confus. »

J'ai pris un grand plaisir à suivre Danny à bord de sa Chevrolet, de Houston à San Francisco en passant par Los Angeles puis jusqu'au Rio Grande avec pour décor les grands espaces et le ciel texans, les brouillards de la côte Ouest et les nuits étoilées au dessus de van Horn. Et ce qui est sûr après ce premier contact avec l'univers de Larry McMurtry, c'est que celui-ci n'est pas prêt de me semer.


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