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Critique de JIEMDE


"On veut des légendes." chantait Eddy, nostalgique de sa dernière séance... Eh bien en voici, et sans faux col.

Dans le saloon des derniers mots doux, Larry McMurtry convoque le gratin des cadors du Far West : à Long Grass et alentours, se croisent Wyatt Earp, Doc Holliday, William Cody, mais aussi Charlie Goodnight. La vie y est aussi paisible que peut l'être l'époque, entre bagarres, bordel, saloon, troupeaux, indiens...

Mais ça, c'est pour la légende et les clichés. Car McMurtry a choisi de mettre tout ce petit monde en scène loin de leur image d'Épinal : Earp est irascible et ne doit son salut - y compris à OK Corral - qu'aux circonstances. Holliday est malade et crache ses poumons. Les spectacles de Cody sont loin des légendaires et triomphales tournées de Buffalo Bill, et touchent à leur fin. Les éleveurs, aussi important soient-ils, ne sont pas très fins, parfois ridicules jusque dans leur mort. Bref, il nous livre une autre vision, moins officielle (et plus réaliste ?) mais plus drôle et enlevée, d'une tranche de cette grande histoire de l'Ouest. Et peut-être n'est-elle pas si éloignée que cela de la réalité...

C'est confrontés à la difficulté que ces personnages légendaires - mais aussi tous les autres, issus de la fiction, qui les accompagnent - montrent le plus leur vulnérabilité et tombent le masque. Il suffit d'un mouvement de troupeau, d'une tempête de sable, d'un proche qui meurt et les failles sont là : Earp et Holliday ne touchent plus une canette au tir, au propre comme au figuré. Loin de la grande explosion démographique de l'Ouest, Long Grass se vide et meurt. Ailleurs, à Tombstone, le shérif ne fait plus vraiment la loi. On est loin des légendes...

Heureusement, les femmes sont là. Comme dans la légende (épouses, serveuse au saloon, tenancière de bordel ou putain) mais pas que. À l'image de San Saba, elles sont belles, racées et fières. À l'image de Mary-Molly, elles "tiennent" leurs hommes à bout de bras, mais ils ne le savent pas. À l'image de Nelly, la journaliste, elles sont cultivées et indépendantes. Et si c'était elles, les légendes de l'Ouest ?

Le Saloon des derniers mots doux est un bijou remarquablement décalé et, pour moi, la découverte sur le tard d'un auteur que j'ignorais. L'écriture y est élégante, accessible, empreinte d'une nostalgie recherchée et travaillée, au service d'une histoire s'égarant volontiers dans des détours inutiles à la compréhension générale, mais tellement indispensables pour poser ces décors et cette ambiance qui font tout le charme et l'intérêt du livre.

Une chose est sûre : je vais m'empresser de combler très rapidement mon retard dans l'oeuvre de McMurtry !
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