Au nom d'un père mort, ou de notre amitié,
Punis-moi par vengeance, ou du moins par pitié.
Ton malheureux amant aura bien moins de peine
À mourir par ta main qu'à vivre avec ta haine.
Nous partîmes cinq cents ;
Mais par un prompt renfort
Nous nous vimes trois mille en arrivant au port.
Et le combat cessa faute de combattants.
À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
Et lorsque le malade aime sa maladie qu'il a de peine à ce qu'on y remédie!
Mais je sens que pour toi ma pitié s'intéresse :
J'admire ton courage, et je plains ta jeunesse.
Ne cherche point à faire un coup d'essai fatal ;
Dispense ma valeur d'un combat inégal ;
Trop peu d'honneur pour moi suivrait cette victoire.
À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
On te croirait toujours abattu sans effort :
Et j'aurais seulement le regret de ta mort.
Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?
Mon bras, qu'avec respect toute l'Espagne admire,
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,
Tant de fois affermi le trône de son roi,
Trahit donc ma querelle et ne fait rien pour moi ?
Ô cruel souvenir de ma gloire passée !
Œuvre de tant de jours en un jour effacée !
Parce que Cid en leur langue est autant que seigneur, je ne t'envierai pas ce beau titre d'honneur.
Va, cours, vole, et nous venge.