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Critique de Sofiert


Enver Hoxha fonda le Parti communiste albanais en 1941 et dirigea le pays de 1945 à 1985. Après la rupture avec les autres pays communistes, l'Albanie s'enferma dans un isolement total. le pays devint alors l'une des dictatures les plus dures des pays de l'Est.
Si le dictateur n'est pas cité dans le roman d'Ermal Meta, c'est que l'auteur n'a pas voulu un roman politique. Il n'aborde pas le régime albanais en tant que dissident, à la manière d'un Soljenitsyne qui dénonce nommément des responsables.
Il cherche davantage à partager les répercussions d'un régime paranoïaque sur la population, et comment cette chape de plomb a pu influencer le comportement des albanais.

" Il y eut un nouvel ennemi à combattre, un ennemi qui n'avait pas de visage, qui parlait albanais. L'ennemi devint le peuple lui-même. Ceux qui ne savaient plus, ceux qui imaginaient plus que les autres, qui osaient demander plus au nom du sacrifice de leurs pères pour libérer le pays, devinrent des personnes dangereuses. Savoir était dangereux, la libre-pensée était subversive, se plaindre en public du manqe de nourriture était un affront direct envers le parti. L'époque qui commençait allait être encre plus difficile. Au moins, pendant la guerre, on pouvait affronter l'ennemi sur le champ de bataille. Désormais, l'ennemi pouvait être notre meilleur ami. Chaque chose était mesurée avec soin, de la musique à la littérature, aux mots, à la pensée. Après la guerre pour la libération une deuxième guerre commença, pas moins létale, pas moins destructrice. Les villes et villages n'étaient plus brûlés, mais les vies étaient ravagées. Ceux qui avaient été proches des positions du parti communiste furent récompensés, on leur offrit de bons emplois, ils devinrent les boucliers et les épées du régime, tandis que pour les autres un seul mot valait : le contrôle. Il y avait des espions dans chaque ville, chaque quartier, chaque rue. Les suspects étaient « rééduqués » par des méthodes brutales. Ceux qui dérangeaient s'évaporaient. "

Kajan est élevé par son grand-père pendant que ses parents combattent les nazis. Il découvre le piano grâce à un déserteur allemand, donne des concerts et on l'envoie représenter son pays à Berlin Est lors d'un concours musical. Un peu par hasard, il se retrouve de l'autre côté du mur, puis aux États-Unis où il devient musicien de jazz et fonde une famille.
L'ensemble de ces péripéties, si elles sont infiniment romanesques, pêchent souvent par manque de vraisemblance, notamment en ce qui concerne rencontres et retrouvailles. L'auteur a sans aucun doute cédé à la tentation du roman d'aventures et lorsqu'il déclare s'être inspiré de plusieurs histoires vraies, on peut regretter la démesure dans l'addition de ces différents récits sur un seul personnage.

Je pense que cette démesure aurait été davantage recevable avec le souffle et l'énergie qui accompagnent le récit d'aventure. Mais l'écriture est ici un peu fade, surtout dans les dialogues qui se révèlent souvent maladroits.
Certains éclaircissements auraient également été nécessaires, notamment en ce qui concerne le comportement de Selie, la mère, dont les contradictions sont peu plausibles, même lorsque l'on connaît la pression d'un régime prompt à se débarrasser de ceux et celles qu'il a adulés. Tout comme l'auteur aurait gagné à asseoir le sentiment de culpabilité de Kajan pour justifier son retour au pays.
Davantage qu'un roman facile à lire, on peut trouver ici le récit d'un pan de l'histoire de l'Albanie et le témoignage que plusieurs dizaines de milliers de personnes sont mortes sous la dictature d'Enver Hoxha, alors que la moindre contestation conduisait immédiatement  dans les camps de travaux forcés, ou entraînait l'exécution immédiate.
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