Citations sur Bondrée (174)
Mon père avait posé une main sur mon épaule. Ça va, punaise ? Il me donnait ce surnom dans les moments graves, punaise. J'aurais pu m'en offusquer, mais je savais que la punaise qu'il voyait en moi n'avait rien à voir avec la bestiole. Il s'agissait d'une punaise pas vraiment punaise, qui ne sentait pas le diable et savait grimper aux arbres. Punaise n'était qu'un synonyme de la puce, pas tellement plus flatteur, si on y pense bien, qu'un mot gonflé d'affection, et rien ne me faisait plus plaisir que de l'entendre m'appeler ainsi. Tant qu'il m'appellerait punaise, je saurais qu'il m'aimait.
Le mal ne pouvait survenir d’un être isolé. Il venait toujours du nombre et du surnombre, de l’accumulation des haines avec le nombre, de la proximité de trop de destins orchestrant férocement leur accomplissement.
(p.161)
La mort de Zaza Mulligan, comme toute autre mort, ne parviendrait pas à étouffer éternellement le rire des survivants. La vie se réorganiserait autour de cette absence et tous, sauf les proches et les flics de son espèce [Michaud], incapables de repousser les fantômes, oublieraient que dans l'espace occupé par l'absence, se tenait autrefois une jeune fille. Il devait en être ainsi, le jeu n'autorisait pas la participation des disparus.
Je n'ai rien oublié des forêt de Bondrée, d'un vert à ce point pénétrant qu'il me semble aujourd'hui issu de la seule luminosité du rêve. Et pourtant, rien n'est plus réel que ces forêts où coule encore le sang des renards roux, rien n'est plus vrai que ces eaux douces dans lesquelles je me suis baignée longtemps après la mort de Pierre Landry, dont le passage au cœur des bois continuait de hanter les lieux.
Il ... se demandait comment on vieillit, si on s’enlaidit lorsqu’on a personne à qui confier sa peur de mourir ou d’arrêter de bander, personne devant qui on peut cracher la bile qui vous bloque les mâchoires si elle reste dedans
(p. 132)
N’importe qui sait que la mort tache, qu’elle laisse des marques partout où elle passe, de grosses traces sales qui nous font trébucher....
(p. 234)
ils n'avaient que vingt ans quand mon frère Bob est né, vingt-trois quand je suis arrivée à mon tour, vingt-huit lorsque Millie s'est pointée et, s'ils n'étaient pas pour autant devenus vieux, leur vision du bonheur s'était rétrécie, elle avait pris la forme d'une véranda et d'un jardin fou où poussaient pêle-mêle le persil et les glaïeuls.
Boundary était enveloppé du calme succédant au drame, de l'engourdissement des jours de deuil, quand tout le monde se croit tenu de chuchoter, de baisser le volume de la radio, de garder les enfants à l'intérieur. Ce silence durerait tout au plus une journée ou deux, puis le bruit reprendrait ses droits. La mort de Zaza Mulligan, comme toute autre mort, ne parviendrait pas à étouffer éternellement le rire des survivants. La vie se réorganiserait autour de cette absence et tous, sauf les proches et les flics de son espèce, incapables de repousser les fantômes, oublieraient que dans l'espace occupé par l'absence, se tenait autrefois une jeune fille.
J'avais regardé [ma mère] monter vers le chalet, même pas fâchée que j'ai bousillé sa séance de bronzage, et j'avais ressenti un pincement au cœur, un pincement d'amour, en voyant sa jupette voleter sur ses hanches. Je vieillissais, il n'y avait pas d'autre explication, et prenais lentement conscience que ça pouvait être aussi douloureux que chiant.
« La mère et la fille n’avaient que leur colère à opposer à la mort et elles se réfugiaient dans une haine sans véritable objet pour éviter de tomber dans le gouffre où vous entraînent les larmes. »