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Critique de pompimpon


Eté 1967, Summer of love, au bord du lac de Boundary Pound, cerné de forêts profondes, à la frontière entre le Canada et les Etats-Unis.
Bondrée, pour les intimes.
Endroit propice aux légendes tressées autour du personnage d'un trappeur dont certains se souviennent et qui flanque le frisson à tout le monde...
Le lieu de villégiature fait le plein de vacanciers canadiens et américains, qui reviennent année après année. Ils ne se fréquentent pas forcément, mais ils se connaissent tous.

Parmi eux, les Mulligan et les Morgan, dont les filles, Zaza et Sissy, deux amies fusionnelles, laissent derrière elles un sillage d'attirance sexuelle chez bien des hommes et de jalousie chez bien des femmes.

Et les Duchamp, qui viennent aussi chaque année avec leurs trois enfants, Bob, Andrée et Millie.

Une nuit, Zaza disparaît. Elle est retrouvée morte, dans une clairière, la jambe prise dans un vieux piège à ours.
L'inspecteur Michaud conclut à un accident.
Mais trois semaines après, une autre jeune fille est engloutie à son tour dans le crépuscule...

Que l'on accompagne Andrée Duchamp dans ses vacances adolescentes bouleversées par la disparition de Zaza puis par l'angoisse grandissante parmi les vacanciers, ou bien l'inspecteur Michaud venu du Maine enquêter sur cet "accident", les personnages sont bien campés, les caractères finement évoqués.

Zaza et Sissy font écho aux Zaza-et-Sissy que nous avons tous pu croiser.
Les vedettes de la villégiature.
Tout le monde les connaît. Tout le monde a un avis sur elles. Tout le monde les regarde.
Elles fascinent Andrée, litteldole so cut, Sissy, à qui elles donnent des gommes ballounes.
Deux jeunes filles qui se jouent du désir qu'elles éveillent chez les hommes, qui se fichent que les femmes en prennent ombrage, riant au nez de tous ces bien-pensants qui les toisent de haut.
Deux jeunes filles insouciantes et libres.
Pas si chanceuses qu'on veut le croire, ni si bien-aimées non plus.
Plutôt délaissées par leurs parents, gâtées à hauteur de leur désintérêt pour elles et qui ne comptent que l'une sur l'autre.
Dont le souvenir égratignera la mauvaise conscience de tous ceux qui en pensent tant de mal... révélant malgré elles le meilleur et le pire en chacun.

La plume d'Andrée A. Michaud a une force d'évocation remarquable. Elle enveloppe la narration de bribes de conversation en anglais, tics de langage, expressions québecoises, jurons, passant d'une langue à l'autre dans la même phrase si naturellement qu'on croit l'entendre.
Tous ces voisins prennent vie, les anglophones, les francophones. La lumière scintille en poudre d'or sur le lac. La forêt se pare du chatoiement de toutes ses nuances d'émeraude. Les journées vibrent dans une chaleur harassante avant la déferlante d'orage. Mais une inquiétude pesante rampe autour de Bondrée... Elle monte avec le crépuscule, soir après soir, semaine après semaine, retombe un peu, un court répit, pour assurer ensuite davantage son emprise sur la communauté...

A l'aise dans la peau d'une adolescente comme dans celle d'un inspecteur au bord de rendre son insigne, hanté par les fantômes d'affaires abominables, l'auteur tisse subtilement la toile de cet été 67, où viennent se prendre jeunes filles, illusions, enfance, tranquillité et innocence...
Tout y est juste, le ton, les préoccupations, les descriptions, les relations familiales, amicales, de voisinage.
Tout peut réveiller un souvenir enfoui en soi, qui dit les incertitudes de l'adolescence, les odeurs de barbecue, les voix appelant les enfants dans le soir d'été, la ligne rose vif au-dessus des cîmes suivant l'engloutissement du soleil, les mères, les pères, leur regard sur leurs enfants, leur absence aussi...
Au fil des pages, l'ambiance se tend, une sourde anxiété fait place à l'angoisse, l'air devient irrespirable.

J'ai été très impressionnée par la maîtrise, la profondeur, la finesse d'observation d'Andrée A. Michaud, sa délicatesse et sa poésie.
Bondrée est pour moi un grand roman, j'en ai suivi chaque méandre avec délectation.

Encore une découverte que je dois à la lecture commune polar,
merci !
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