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Critique de Junie


Amateurs de politique-fiction, de séries croustillantes sur les allées du pouvoir, férus d'informations choc sur les coulisses gouvernementales, vous ne serez pas déçus par la lecture des Infiltrés.

Ici les Infiltrés ne sont ni des espions ni des journalistes en quête de scoop.
Ce terme désigne les multiples cabinets de consulting auxquels les services de l'Etat font appel pour résoudre d'épineuses questions.

Du genre : comment réformer les retraites, diminuer le nombre d'agents de la Fonction Publique, comment calmer les Gilets Jaunes, pister les terroristes, optimiser l'organisation d'un Ministère, accélérer la vaccination contre le covid 19, pallier les lenteurs et la lourdeur du système judiciaire.
Tous les secteurs sont concernés : la Santé, la Justice, l'Armée, l'Education Nationale, les Finances, aucun projet, aucune réforme, aucune politique publique ne peut se passer des conseils, avis, rapports d'audit des Consultants.
Pour la plupart de gros cabinets d'experts en tous genres, qui ont des antennes un peu partout dans le monde et des effectifs pléthoriques.
Mc Kinsey, 33000 salariés, dont 620 en France. Deloitte: 345 000 salariés, dont 2570 en France. Accenture: 674 000 salariés, dont 7500 en France. Boston Consulting Group : 22 000 salariés dont 650 en France.
Un seul est français, Capgemini, expert en transformation digitale. 270 000 salariés, dont 1500 en France.

A quoi servent-ils? Officiellement, à épauler les équipes de nos méritants fonctionnaires, ces personnes au service de l'Etat, aussi consciencieuses que dévouées, dont la mission est de mettre en oeuvre les politiques de nos élus.
Fonctionnaires soumis à de nombreuses obligations, discrétion, loyauté, devoir de réserve, etc...
Fonctionnaires agissant sous le contrôle de Hauts-Fonctionnaires, eux-mêmes issus des Grandes Écoles où se forme l'élite de nos gouvernants.

Or, depuis les années 2000, nos élites ont du mal à s'adapter et se sentent un peu dépassées. S'ajoute aussi la crainte de devoir rendre des comptes si une situation est mal gérée. Alors on se rassure en faisant appel à des experts, quitte à y sacrifier un copieux budget, quitte à squeezer ses propres bureaux d'études et organismes créés pour collecter des données, analyser les contenus, rédiger des rapports.
Quitte à se fourrer le doigt dans l'oeil et fabriquer des usines à gaz qu'il faut ensuite supprimer. Comme par exemple Portalis, un projet numérique à 100 millions d'euros pour le Ministère de la Justice, où Scribe, pour le Ministère de l'intérieur.

Ce gaspillage d'argent public qui tombe dans l'escarcelle de multinationales est déjà choquant. Mais ce sont aussi des informations sensibles qui nous échappent et des compétences qui disparaissent. En déléguant ces missions, en externalisant ce qui relève de nos administrations, on ne sait plus qui pilote réellement les politiques publiques. On assiste à une privatisation de l'Etat, une dissolution progressive de sa souveraineté. Les intérêts privés et le "lean management " (dégraissage des effectifs et rentabilité maximum ) se sont installés au coeur de nos institutions.

Un constat ahurissant dont l'affaire Mc Kinsey offre un exemple édifiant.
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