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Critique de Presence


En termes de chronologie, ce tome fait suite à BPRD 1948. En termes narratifs, ce tome continue l'histoire de Simon Anders commencée dans BPRD 1947 qu'il est nécessaire d'avoir lu avant pour saisir la situation de départ du personnage. Ce tome regroupe les 5 épisodes de la minisérie, initialement parue en 2013, coécrite par Mike Mignola, Gabriel Bá et Fábio Moon, dessinée par Bá et Moon, et mise en couleurs par Dave Stewart. Bá et Moon avaient déjà illustré "BPRD - 1947".

L'histoire commence par un prologue de 8 pages silencieuses dans des bois enneigés, où le lecteur découvre une trace sanglante menant d'un ruisseau à 4 personnages surnaturels. En 1948, dans la base du BPRD à Fairfield dans le Connecticut, Simon Anders explique au professeur Trevor Bruttenholm qu'il n'arrive plus à se contrôler et qu'il a décidé de se mettre à la recherche des responsables de son état : des vampires. Bruttenholm lui indique un endroit probable d'infestation : Ćesky Krumlov, un village en Tchécoslovaquie. À la descente du train, il est accueilli par Hanah Novarov, le contact du BPRD sur place. Comme Anders manifeste son impatience de se mettre à la recherche des vampires, elle l'emmène visiter le château abandonné de Wilhelm von Schwartzenberg, tout en lui faisant l'historique de ce notable et du triste décès d'Eleonora son épouse. Dans la crypte du château, Simon Anders se retrouve enfin devant un véritable vampire.

Au fil des années, Mike Mignola a développé un univers très riche s'étalant sur de nombreuses années (depuis la première apparition d'Hellboy pendant la seconde guerre mondiale, et même avant avec d'autres personnages comme Lobster Johnson, ou encore avant Sir Edward Grey), avec l'aide de John Arcudi. À partir de BPRD 1946, Mignola retrace les premières années d'existence du BPRD, tout en développant là encore une continuité nécessitant de lire les tomes dans l'ordre. le lecteur de passage aura bien du mal à comprendre qui est Varvara, à ressentir quelque empathie que ce soit pour Margaret Laine (la secrétaire de Bruttenholm), ou à comprendre pourquoi Anders porte un sigil sur la poitrine, ou encore le lien qui l'unit à Annaliese et Katharina Brezina.

Dans le tome "BPRD 1948, Mignola, Bá et Moon avaient raconté une histoire de vampires, avec une dimension onirique très bien rendue par les dessins. Ici la première séquence reprend ce principe d'une situation à comprendre sans l'aide de mots, mettant en scène des personnages insolites dans un décor désolé, avec cette présence d'une large trace de sang, physiquement impossible et pourtant très présente. Une fois passée cette première séquence, la réalité reprend ses droits et le récit revient sur des chemins bien balisés : le village perdu au fin fond de l'Europe, le château désaffecté à la réputation inquiétante, les catacombes interminables, le cadavre qui revient à la vie. Il faut attendre le troisième épisode pour que l'histoire retrouve un peu d'originalité en faisant apparaître qu'il n'y a pas que 2 factions en train de s'opposer, mais 3, voire 4. le lecteur n'échappe pas non plus à un gros combat avec moult effets pyrotechniques pendant 1 épisode.

A priori, les frères Bá et Moon semblaient tout indiqués pour poursuivre le récit des aventures de Simon Anders, ayant si bien réussi à transcrire une atmosphère onirique dans "BPRD - 1947". Dans ce registre, la scène d'ouverture est magnifique d'étrangeté, associant des éléments baroques dans un oxymore visuel poétique. La trace sanguinolente est trop large pour être réaliste, elle constitue donc un motif symbolique, une sorte de chemin fait du sang de victimes nombreuses et anonymes, un terrible prix à payer. de séquence en séquence, le lecteur pourra apprécier cette volonté d'interpréter la réalité, de la retranscrire de manière orientée pour mieux mettre en avant ses étrangetés, ses bizarreries. C'est ainsi qu'il pourra s'imprégner des curiosités du bureau de Bruttenholm, de l'ambiance inquiétante du train avec son unique passager, du hall d'entrée monumental du château englué dans les toiles d'araignée, etc.

De page en page, le lecteur éprouvera la sensation que Bá et Moon ont fait l'effort d'apporter quelques modifications à leur approche graphique pour se rapprocher de celle de Mike Mignola, en particulier en insistant un peu plus que d'habitude sur les aplats de noir. Mais malgré l'originalité des dessins, leur fraîcheur et leur inventivité, le lecteur est vite décontenancé par les messages visuels brouillés. Alors que Bá et Moon avaient réalisé un univers visuel cohérent pour "1947" (et pour Daytripper), ici les informations visuelles semblent parfois se contredire. Pour commencer, il est difficile d'attribuer un sens ou une signification au fait qu'ils dessinent des têtes de forme très étroite, parfois plus petites que les poings des personnages. En termes d'exagération, l'absence de sens perceptible finit par déconcentrer plus que divertir (pourquoi Simon Andrews porte-t-il un sac aussi énorme ? Mystère). Il apparaît également une dissonance narrative visuelle quand les frères introduisent de trop grandes variations dans leur approche d'un même élément. Par exemple la première vision de la ville de Tchécoslovaquie charrie les clichés propres aux villages d'Europe Centrale (vus par les américains) baignant encore dans une forme de moyen-âge de par leurs constructions, voire les tenues vestimentaires des habitants. 2 pages plus loin, Bá et Moon réalisent une façade et une arche découvrant une superbe place qui ne sont pas raccord avec le reste du village. Enfin ils semblent régulièrement se désintéresser des arrières plans, en particulier lors du long combat contre les sorcières qui finit par ressembler à des tâches de couleurs rouge, orange, noir se heurtant, sans grand intérêt visuel.

Après l'enchantement visuel de "1947", le lecteur s'apprêtait à repartir dans une dimension onirique où Simon Anders aurait pataugé à la recherche de certitudes, au milieu d'un monde flottant. En lieu de quoi, Mignola, Bá et Moon mettent en scène un affrontement en bonne et due forme, impliquant 3 ou 4 factions, avec des visuels allant du sublime au peu convaincant.
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