Pour apprécier ce texte il faut surmonter deux écueils majeurs. le premier, très attendu, nous ramène sans cesse aux acteurs du film éponyme. Impossible d'avancer sans mettre un visage sur les personnages. le second est plus formel. Ce texte est un roman scénario. J'ai eu l'impression d'avoir activé l'audiodescription, cet accompagnement pour déficients visuels qui décrit inlassablement d'une voix neutre chaque plan… Il reste peu de place pour l'imagination qui est tout de même l'un des moteurs de l'émotion littéraire.
Je pointerais même un troisième écueil, recherché lui-aussi, la confusion entre le personnage de Roslyn et la vraie Marilyn. On sait qu'
Arthur Miller avait écrit le scénario et surtout le personnage pour sa future femme Marilyn. Un séjour à Reno, capitale du divorce, lui avait permis de conclure son divorce avec sa première femme et écrire ce texte en hommage à Marilyn. Cette porosité entre les émotions de l'actrice et celles du personnage est perturbante. On se demande si ce sont les paroles réelles de Marilyn ou s'il s'agit d'un texte écrit ad hoc. Il en découle une confusion, un télescopage entre la réalité et le texte qui procure une sensation de déjà vu voire de malaise...même si, en dehors de cela, retrouver Marilyn et ses comparses au cinéma est toujours un plaisir.
Il reste quatre personnages marqués par leur passé, solitaires, échoués dans le désert du Nevada. Chacun voudrait croire à sa rédemption. Ils sont lancés dans une quête utopique de liberté. Une conception à l'opposé pour Roslyn ou le trio masculin. La grande et longue scène finale de la chasse aux mustangs laisse éclater toute cette complexité.
Âpreté du quotidien, fières conquêtes ou dérisoire des luttes, tout est noyé dans des flots d'alcool. Dans un univers appartenant déjà au passé, des cow-boys en passe de devenir des « employés dans quelque station-service à astiquer des pare-brise », Dayton, la ville du rodéo, où « on se demande pourquoi diable des humains sont venus s'installer ici », des mustangs en voie de disparition et leur capture à des fins de pâtées pour chiens, les éléments ne sont guère favorables. La fuite des quatre héros se révèle vaine. Il ne leur reste à vivre qu'une éternelle solitude.
Un roman très visuel qui parvient toutefois à procurer quelques moments de grâce propres à l'écrit où l'émotion s'installe allant au-delà du simple scénario.
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