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Critique de Meps


Tropique du Cancer appartient à cette catégorie de livre dont je connaissais tout à fait le nom et la renommée... mais pas du tout le sujet ! Au vu du titre, et parce que je pense que je savais aussi qu'il s'agissait d'un auteur américain, je m'imaginais confusément un récit à la Conrad, sur une île tropicale remplie de moustiques...

Pour ceux qui en seraient au même niveau que moi à l'époque, n'attendez pas trop d'exotisme ici, si ce n'est celui d'un Américain à Paris. Ce que nous offre Miller, c'est une autobiographie volontairement choquante, mélange assez jouissif, patchwork qui vous fait passer par tous les sentiments. Il reste choquant à notre époque, surtout finalement par une misogynie assumée qui devait sembler beaucoup plus naturelle à l'époque. A son époque, c'est plutôt certaines scènes sexuelles décrites de façon très crues qui ont pu justifier des actions en justice pour obscénité à sa sortie aux Etats-Unis, en 1961.... plus de 25 ans après sa sortie en France pourtant.

Le grand talent de l'auteur se révèle notamment dans des envolées surréalistes oniriques où des pépites surgissent du fouillis habituel de ce genre. Des passages philosophico-désabusés sur l'humanité, le rôle des artistes, la religion sont extraordinairement profonds. L'alternance avec des scènes du quotidien d'artistes débauchés à Paris, ressemblant parfois aux personnages d'un certain Steinbeck dans son Tortilla Flat par exemple. Ils sont le plus souvent pitoyables avec les airs de grandeur qu'ils cherchent à se donner dans leur misère ou leurs débauches.

Quand on commence sa lecture, on se dit d'abord "Mais où donc suis-je tombé ?". L'auteur semble rechercher un lecteur courageux, persévérant, et il ne lui offre réellement le coeur de son récit qu'après avoir tenté de le perdre dans ses élucubrations. Mais j'ai eu l'étrange impression que la profondeur du propos n'était possible que grâce à une certaine futilité de l'enrobage. Les transitions entre les sujets sont subtiles et certaines constructions stylistiques sont tout simplement géniales. A titre d'exemple, l'auteur ironise d'abord sur les concerts de musique classique, lieu parfait de l'ennui mondain, auto-torture que s'imposent des gens qui n'y comprennent rien... avant de faire s'envoler ses phrases avec la musique quand il est lui-même transporté, comme à son corps défendant.

Le livre regorge de moments comme celui-là, comme une montagne russe littéraire, où les descentes ne sont grisantes que parce que les montées auront été d'autant plus lentes et raides.Le voyage que propose Miller ne conviendra sans doute pas à tout le monde, mais j'y ai trouvé ce que je viens régulièrement chercher en littérature: l'étonnement, le trouble et l'admiration devant le talent.
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