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Critique de le_Bison


Il me parait important, voir primordial, du moins essentiel à ta vie, de savoir construire une clôture. C'est tout un art, plus même, une passion. Tout comme il est important d'aller au pub pour faire descendre, des heures durant, une bière fade mais fraîche.

Je ne suis pas tout seul, heureusement, parce que sous la pluie, ce travail ne m'aurait pas paru aussi amusant. Tam et Richie, deux travailleurs écossais, un peu bougons un peu faignants m'accompagnent. Tam et Richie, deux inséparables qu'il vaut mieux avoir constamment à l'oeil si tu veux que le travail avance, une version ouvrière de Laurel et Hardy, en tout aussi drôle. Et voilà que le grand patron me les envoie en terre hostile, l'Angleterre, pour un nouveau chantier.

Des clôtures, des enclos à bestiaux, tout un art. Je me répète. Mais pas autant que Tam et Richie. Car tout est répétitif, dans ce bouquin, dans le travail, dans la vie. Tu prends une pelle, tu creuses un trou, tu plantes un piquet, tu tires un fil de fer. Entre temps, tu fumes une clope, tu causes un peu mais pas trop – parler ça donne soif et quand il te faut faire plusieurs bornes à pied pour rejoindre le pub local tu t'économises. Tu creuses un nouveau trou, tu tues un mec, tu rebouches le trou, tu allumes une nouvelle clope. Et le soir tu retournes au pub pour boire une bière.

« Retenir les Bêtes ». Tu penses que cela n'est pas bien sérieux, qu'un auteur sensé – et sain d'esprit – ne peut pas écrire un bouquin de 200 pages et des poussières sur deux pauvres types qui creusent des trous, posent des piquets qu'ils enfoncent avec une masse… Détrompes-toi. le moulinet du poignée, la torsion de l'épaule, les jambes ancrées dans la boue, tout a son importance lorsque tu veux frapper de ta masse le sommet du piquet. Sans oublier la bonne tension du fil de fer. Ni trop lâche, ni trop tendu. Avec ce roman, tu seras capable toi aussi de monter une clôture, de fumer une clope sous la pluie et de boire une bière fadasse pendant des heures en regardant les rares poulettes venues au pub ce soir-là.

Tu penses que je me fous de ta gueule, tu crois que je me moque de l'auteur, Magnus Mills, de ces pauvres types, écossais même pas en kilts. Que nenni ! Ce roman est pour moi un pur chef d'oeuvre, encore trop méconnu du grand public. Un moment unique de jubilation. C'est pour cette unique raison que je milite pour ce roman parce que dans la vie, tu seras bien un jour confronté au problème de l'enclos à bestiaux. Et là, tu te souviendras des conseils de Tam et de Richie. Tu prendras une cigarette dans la poche de ton jean délavé, tu sortiras le briquet de l'autre poche de ton jean déchiqueté par le temps et les intempéries et tu respireras cet air mi-écossais mi-anglais en attendant de finir ta soirée au pub, seul, réfléchissant à la condition humaine et à la répétition de ton travail. A ta vie de merde, quoi !

Parce que « Retenir les Bêtes », c'est aussi ça : la triste description de ta vie sociale. Tu te lèves le matin, pour t'apprêter à bosser. Tu te tues à la tâche, sens propre et figuré. le soir venu, tu t'octroies un petit plaisir, celui de boire une bière. Et le lendemain matin, tu replonges les santiags dans la boue pour un éternel recommencement à creuser un trou, enfoncer un piquet, tirer un fil de fer. Et le soir…
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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